"Même si la nourriture est contaminée, nous n’avons pas d’autre choix que de la consommer"
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Le calme des habitants de Tokyo vient une fois de plus d’être mis à rude épreuve avec l’annonce par les autorités mercredi 23 mars, de la contamination de l’eau du robinet par les rejets radioactifs de la centrale de Fukushima. Mais en dépit des mauvaises nouvelles en série, notre Observatrice nous raconte comment la vie reste à peu près normale dans la capitale.
Les écrans du quartier de Shibuya à Tokyo sont éteints pour faire des économies d'énergie. Photo publiée par Dany Choo sur son blog Culture japan le 18 mars 2011.
Le calme des habitants de Tokyo vient une fois de plus d’être mis à rude épreuve avec l’annonce par les autorités mercredi 23 mars, de la contamination de l’eau du robinet par les rejets radioactifs de la centrale de Fukushima. Mais en dépit des mauvaises nouvelles en série, notre Observatrice nous raconte comment la vie reste à peu près normale dans la capitale.
Dans le centre de Tokyo, des niveaux de radioactivité liée à l'iode-131 atteignant 210 becquerels par litre ont été décelés, soit deux fois le seuil de 100 recommandé pour les nourrissons, selon des responsables de l'Office de l'eau de la capitale. Le seuil autorisé pour les adultes est de 300 becquerels. Mercredi 23 mars, les autorités de Tokyo ont recommandé de ne plus utiliser l’eau du robinet pour les nourrissons, provoquant une ruée dans les magasins sur les bouteilles d’eau minérale.
Une recommandation qui vient s’ajouter à l’interdiction ordonnée par le Premier ministre japonais, Naoto Kan, de consommer et de vendre du lait cru et des légumes (épinards, brocolis, choux et choux-fleurs) provenant de la préfecture de Fukushima et de trois autres préfectures voisines. Cette interdiction pourrait s’étendre à d’autres préfectures alors que la situation à la centrale de Fukushima reste précaire. Mercredi 23 mars, une fumée noire s'échappait du réacteur numéro 3.
Retrouvez une couverture complète des évènements dans le Dossier spécial Japon de France 24.
Billet écrit avec la collaboration de Cécile Loïal, journaliste à FRANCE 24.
"Tout le monde est très inquiet tout en ayant conscience que nous ne pouvons rien faire"
Yuka Ogura vit à Yokohama, ville situé à trente minutes de Tokyo.
Personne ne peut évaluer l’impact que peut avoir un tremblement de terre suivi d’un tsunami puis une catastrophe nucléaire dans une vie. Je travaille à mon compte dans l’industrie du spectacle. Depuis le tremblement de terre, mon affaire a connu une baisse d’activité en raison de différentes annulations. Beaucoup considèrent que l’heure n’est pas à l’amusement. Mais tant que je pourrai travailler je continuerai à le faire.
Aujourd’hui, nous avons appris que l’eau à Tokyo était contaminée. J’ai peur que nous soyons aussi concernés par cette contamination. Je ne sais pas encore si je vais changer mes habitudes et commencer à acheter de l’eau en bouteille pour faire la cuisine. Avant le séisme, j’achetais déjà de l’eau en bouteille pour ma consommation personnelle.
File interminable pour acheter de l’eau dans ce supermarché de Tokyo. Photo publiée sur twitpic par la_gondole le 23 mars 2011.
Dans ce supermarché de Nagoya, on a assisté à une ruée vers l’eau. Photo publiée sur twitpic par la_gondole le 23 mars 2011.
"Il nous faut consommer pour remettre l’économie sur pied"
Depuis le séisme, je dois m’approvisionner différemment car le supermarché où j’allais a été endommagé. Mais sinon, rien n’a vraiment changé. Peut-être bien que certains des aliments que nous achetons sont contaminés, mais que pouvons-nous y faire ? Il nous faut bien manger pour survivre. J’achète des conserves, mais je ne peux pas manger uniquement cela. Même si la nourriture est contaminée, nous n’avons pas d’autre choix que de la consommer.
D’ailleurs il nous faut consommer pour remettre l’économie sur pied. Il nous faut continuer par exemple à aller au restaurant car si les restaurateurs perdent leurs clients, ils risquent de faire faillite, ce qui fragiliserait encore plus notre économie.
Ici, tout le monde passe par des périodes d’optimisme, puis de pessimisme puis encore d’optimisme. Nous sommes traversés par des sentiments contraires. Tout le monde est très inquiet mais a aussi conscience que nous ne pouvons rien faire, que nous sommes désarmés face à cette catastrophe. Sur une île où nous avons régulièrement des tremblements de terre, nous ne pouvons pas vivre constamment angoissés.
Dans le métro de Tokyo, certains portillons électriques sont mis hors service pour faire des économies d’énergies. Photo publiée par Dany Choo sur son blog Culture japan le 18 mars 2011.
Les rames des métros sont un peu plus vides que d'habitude. Certains salariés restent chez eux à la demande de leur employeur ou parce qu'ils habitent trop loin du centre de Tokyo. Photo publiée par Dany Choo sur son blog Culture japan le 18 mars 2011.
"La seule chose que je peux faire est prier et espérer"
Je me tiens régulièrement informée des recommandations et éléments communiqués par le sommet de l’état mais aussi par le gouvernement local. Je m’intéresse également aux taux de radiations que l’on peut lire dans la presse étrangère, et aux commentaires de ceux qui suivent la crise depuis le début. Mais je dois avouer que je suis très mauvaise en sciences, et malgré toutes ces sources, je ne comprends pas vraiment ce qui se passe. Qui le pourrait ?
Même si les perspectives sont sombres aujourd’hui, nous pouvons encore trouver des raisons d’espérer que les choses s’arrangeront. Je ne suis pas un expert nucléaire et la seule chose que je peux faire est prier et espérer. Le gouvernement semble adopter la même attitude optimiste. De toute façon, ils ne peuvent pas présenter aux Japonais un tableau sombre de la situation qui pourrait provoquer la panique à Tokyo. Ce genre d’attitude serait très critiquable car elle serait dangereuse en termes de sécurité dans une ville aussi densément peuplée que Tokyo. Ce serait encore plus dangereux que les matières radioactives. Le plus important en ce moment est que nous continuions à garder notre calme et que nous restions organisés.
Quartier de Shibuya à Tokyo où l'on trouve de nombreux magasins et des restaurants. Photo publiée par Dany Choo sur son blog Culture japan le 18 mars 2011.