BAHREÏN

L’opposition bahreïnie est accusée d’avoir, elle aussi, commis des violences

 Plusieurs témoignages dénonçant la violence de manifestants opposés au gouvernement bahreïni, qui auraient attaqué des policiers et des étrangers, circulent depuis quelques jours sur la Toile. Ces déclarations viennent contredire les affirmations du mouvement d'opposition dominé par les chiites qui s’est toujours présenté comme étant pacifique et non violent. Notre Observatrice affirme avoir assisté au lynchage d’un policier.

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Capture d’écran d’une vidéo postée sur YouTube qui montrerait un policier bahreïni écrasé sous les roues des véhicules de manifestants opposés au gouvernement.

 

Plusieurs témoignages dénonçant la violence de manifestants opposés au gouvernement bahreïni, qui auraient attaqué des policiers et des étrangers, circulent depuis quelques jours sur la Toile. Ces déclarations viennent contredire les affirmations du mouvement d'opposition dominé par les chiites qui s’est toujours présenté comme étant pacifique et non violent. Notre Observatrice affirme avoir assisté au lynchage d’un policier.

 

Des milliers de chiites bahreïnis ont poursuivi, dès le 18 mars, la contestation contre le régime sunnite, bravant la loi martiale décrétée la veille et la répression des forces de sécurité. Après avoir fait quelques concessions pour apaiser les manifestants, la monarchie sunnite a lancé, le 16 mars, une intervention militaire avec l’aide de soldats saoudiens. Des tanks et des hélicoptères ont été utilisés pour chasser les contestataires de la rue et mettre un terme à la révolte menée par les chiites depuis un mois.

 

Les Nations unies ont jugé "choquante" les violences commises le 17 mars par les forces de sécurité et ont indiqué que la "prise d'assaut signalée d'hôpitaux et de centres médicaux" était une "violation flagrante de la législation internationale".

 

Les révolutionnaires chiites comptent sur les États-Unis pour obtenir le retrait des troupes saoudiennes du royaume. Un appel qui ne semble pas avoir été entendu. Le 20 mars, le conseiller de Barack Obama, Tom Donilon, a déclaré que les situations en Libye et à Bahreïn n’étaient "pas comparables" pour justifier les réactions différentes de l’administration Obama face à la répression des révoltes populaires.

 

Alors que la population chiite représente quelque 75 % des 80 000 habitants du royaume, les rênes du pouvoir restent entre les mains de la monarchie sunnite de Hamad bin Isa Al Khalifa. Afin de renverser la balance démographique en faveur des sunnites, le royaume de Bahreïn a favorisé pendant des années l’immigration de sunnites venus d’autres pays en leur proposant des postes de policiers ou de soldats. Les manifestants ont déclaré que la discrimination systématique mise en place dans le royaume bahreïni avait entraîné l’appauvrissement des chiites.

 

 

Vidéo postée sur YouTube le 17 mars par Bahrainz.

"J’ai vu des manifestants opposés au gouvernement assassiner un policier !"

Gaya (pseudonyme) est bahreïnie, elle vit à Manama. Elle affirme que son mari est l’auteur de la vidéo ci-dessus dans laquelle on voit un homme être écrasé délibérément à plusieurs reprises sous les roues de deux véhicules. Notre Observatrice affirme qu'il s'agit d'un policier. Elle a refusé de donner son nom ou de dévoiler son appartenance religieuse car elle craint pour sa sécurité.

 

Nous avons entendu une voiture s’arrêter brusquement, nous sommes sortis sur le balcon. Nous avons vu les occupants d’un 4x4 noir ouvrir le coffre de la voiture et en retirer un homme qui était inconscient. Malgré la distance, nous avons reconnu l’uniforme noir d’un policier. C’est à ce moment-là que mon mari a commencé à filmer.

 

Vous pouvez voir ce qui s’est passé ensuite sur la vidéo. Cet homme est écrasé délibérément à plusieurs reprises sous les roues d’un 4x4 noir et d’un second véhicule. Je ne peux pas croire que j’ai été témoin d’une chose aussi horrible. Le supplice s’est poursuivi quand plusieurs hommes ont commencé à donner des coups de pied et à sauter sur le corps sans vie de cet individu [ une autre vidéo montrant la suite de l’incident a été diffusée par la télévision d’État Bahrain TV]. Mais nous n’avons pas pu continuer à filmer la scène car elle était insupportable.

 

Je pense que les occupants du 4x4 noir étaient des manifestants opposés au gouvernement qui ont voulu se venger après l’intervention des autorités. Les manifestants disent qu’ils ne sont pas violents mais c’est faux. Ils ont un programme qui n’est pas démocratique mais religieux, car les chiites veulent imposer un gouvernement islamique comme en Iran. Ils ont attaqué un policier, ils ont aussi visé des étrangers. Selon des rumeurs, les chiites ont pris pour cible des immigrés sunnites venus d’Inde et du Pakistan. Aujourd’hui j’ai très peur car ils peuvent attaquer n’importe qui.”

 

Selon l'un de nos Observateurs vivant à Bahreïn, cette vidéo a été tournée à Manama le 14 mars alors que les forces de sécurité tentaient, en vain, de repousser les manifestants avant de lancer une répression sévère le 15 mars.

“Un homme assassiné, décrit comme étant un policier, était en réalité un opposant au gouvernement”

Mohammed Al-Maskadi est le président d’une organisation de défense des droits de l’Homme bahreïnie, Bahrain Youth Society for Human Rights. Il se décrit lui-même comme n’étant ni pro-gouvernement, ni partisan de la révolte populaire.

 

J’ai été contacté par un homme qui m’a confié que ce policier assassiné était en réalité son neveu qui avait rejoint le mouvement anti-gouvernement et avait été tué lors de la répression des forces de sécurité, le 16 mars. Il m’a envoyé une photo de son neveu à la morgue. Cette photo était identique à celle du 'policier' assassiné qui a été publiée dans les journaux. Par ailleurs, cet homme m’a indiqué que le ministère de l’Intérieur a refusé de rendre le corps de son neveu à la famille.

 

Je ne fais pas confiance aux informations données par Bahrain TV : cette chaîne est clairement favorable au gouvernement. Elle a diffusé à plusieurs reprises des informations totalement fausses. Il y a une guerre des images en cours entre les manifestants et le gouvernement.

 

Il est possible que certains manifestants aient commis des actes violents. Certains d’entre eux sont de plus en plus en colère et désespérés. Il y a déjà eu des affrontements avec la police.

 

Il est faux de dire que le mouvement contestataire a un programme islamiste. Ce mouvement n’est pas seulement constitué de chiites, il a aussi un courant laïc. L'un des leaders de l’opposition, Ibrahim Sharif [il a été arrêté le 18 mars avec d’autres opposants], est un sunnite libéral qui bénéficie d’un large soutien parmi les manifestants. Le gouvernement essaie de diffuser le message selon lequel seul un segment de la population s’oppose au régime. Mais ce n’est pas vrai. Le gouvernement est aussi en train d’agiter la menace que l’opposition est en faveur d’un État islamiste similaire à celui de l’Iran dans l’objectif d’effrayer les États-Unis."