La monarchie bahreïnie s’engage sur la voie de la répression
Après des semaines de contestation pacifique, les violences se sont déchaînées à Manama et dans d’autres villes du Bahreïn.
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Place de la Perle, aujourd'hui. Photo postée sur Facebook.
Après des semaines de contestation pacifique, les violences se sont déchaînées à Manama et dans d’autres villes du Bahreïn. Les images amateur de la répression et le commentaire de notre Observateur.
Assistées de militaires des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), les forces bahreïnies se sont lancés à l’assaut de la place de la Perle, épicentre de la contestation du régime depuis le 14 février, à l’aube ce matin. Objectif : déloger les manifestants qui y campaient.
Au début du mouvement de protestation, le roi Hamad ben Isa al-Khalifa a fait plusieurs gestes pour tenter d’apaiser les manifestants, annonçant dans un premier temps le versement d’une allocation de 1000 dinars [2000 euros] à chaque famille du royaume et appelant à plusieurs reprises l’opposition au dialogue. Des propositions qui ont été rejetées par les manifestants, divisés sur leurs revendications et dont les plus radicaux réclament désormais l’instauration d’une république. Les autorités sunnites de ce petit émirat dont la population est majoritairement chiite ont donc décidé, après presque un mois d’hésitation, d'avoir recours à la force pour mater la contestation.
Évacuation de la place de la Perle par la police, aujourd'hui. Postée sur YouTube par hyya999
"C’est la première fois que six pays arabes se regroupent pour intervenir dans un pays frère"
Adnan est professeur à Manama. Il était sur la place de la Perle au moment de l’évacuation.
Les troupes saoudiennes et la police anti-émeutes ont investi la place de la Perle à 5h30 [le 16 mars, 3h30 heure de Paris, NDLR]. Elles ont d’abord commencé par lancer des fumigènes et des gaz lacrymogènes pendant 30 minutes, puis sont venues déloger les manifestants par la force. Elles ont même brûlé les tentes des protestataires qui ont dû quitter les lieux. Il y avait des militaires saoudiens, on les reconnaissait à leur accent lorsqu’ils demandaient aux manifestants de partir. Ils sont intervenus simultanément dans plusieurs villes, notamment sur l’île de Setra, où un manifestant a été tué par balle hier. [vidéo de l’évacuation de la Place]
L’intervention de la branche militaire du CCG [à laquelle participe le Qatar, l’Arabie saoudite, le Koweït, les Émirats arabes unis et le sultanat d’Oman] n’est pas justifiée. Cette force a été mise en place au lendemain de la guerre du Golfe afin de protéger les pays de la région contre toute intervention étrangère. Or, il s’agit là d’un conflit interne au Bahreïn. C’est la première fois que six pays arabes se regroupent pour intervenir dans un pays frère afin d’y réprimer un mouvement populaire. Nous considérons qu’il s'agit d' une invasion semblable à la colonisation du Liban par la Syrie."
"On n’a pas d’autre choix que de rester à la maison"
I.S, étudiant âgé de 23 ans, habite sur l’île de Sitra. Il dit avoir été témoin du meurtre d’un manifestant, hier.
L’île de Sitra est située à moins de 10 km de Manama et est presque exclusivement habitée par des chiites. Les militaires étrangers et les forces de sécurité locales circulent maintenant dans les rues pour dissuader les habitants de sortir de chez eux. Les deux ponts qui donnent accès à l’île sont bloqués. On n’a pas d’autre choix que de rester à la maison."
Un manifestant se fait tabasser par les forces de l'ordre. Selon notre Observateur, la vidéo a été filmée dans un lieu qui pourrait se trouver à Sitra.
Billet rédigé en collaboration avec Mahamadou Sawaneh, journaliste à France 24.