Une élection présidentielle un peu trop calme
Près d'un an après le coup d'État contre le président Mamadou Tandja, se tenait, lundi, le premier tour des élections présidentielle et législatives. Deux de nos Observateurs témoignent d'un scrutin calme mais regrettent l'absence de débats durant la campagne.
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Près d'un an après le coup d'État militaire contre le président Mamadou Tandja, se tenait, lundi, le premier tour des élections présidentielle et législatives nigériennes. Deux de nos Observateurs parlent d'un scrutin calme mais restent divisés sur l'avenir de leur pays après les élections.
Un peu moins d'un an après un coup d'État militaire, le président déchu Mamadou Tandja, qui tentait de se maintenir au pouvoir à l'issue de son second mandat, attend son procès dans une prison située près de Niamey, la capitale. L'ancien chef de l'État est accusé de malversations financières lors de ses 11 années de pouvoir (1999-2010). Le chef de la junte qui l'a renversé, le général Salou Djibo, s'était immédiatement engagé à transférer le pouvoir à un civil le 6 avril 2011.
Pays riche en uranium mais parmi les plus pauvres du monde, le Niger est sous les feux de l'actualité depuis l'enlèvement et la mort de deux Français le 7 janvier. Une attaque revendiquée par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), qui multiplie les rapts d'Occidentaux au Sahel.
Selon des premières informations, la mobilisation pour cette présidentielle couplée à des législatives a été relativement faible dans la capitale mais assez forte dans les grandes villes de l'intérieur. "Ces élections se sont passées dans le calme et la tranquillité", a déclaré à l'AFP Gousmane Abdourahamane, président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), reconnaissant toutefois de "petits problèmes" tels que des bulletins de vote manquants dans certains bureaux.
La Céni se donne "quatre jours pour proclamer les résultats provisoires" du premier tour. Quatre hommes sont favoris : Mahamadou Issoufou, opposant historique dont le parti est arrivé en tête des municipales le 11 janvier ; deux ex-Premiers ministres de Mamadou Tandja, Seini Oumarou et Hama Amadou ; et Mahamane Ousmane, premier président nigérien démocratiquement élu (1993-1996).
"Aucun candidat n'a osé parler d'Al-Qaïda au Maghreb islamique"
Assan Midal est notre Observateur touareg. Nous lui avions déjà donné la parole dans un billet où il dénonçait les amalgames entre son peuple et les terroristes. Guide au Sahel, il est aujourd'hui au chômage en raison de la désertion de touristes, effrayés par Al-Qaïda.
Pendant la campagne électorale ici, aucun candidat n'a osé parlé d'Al-Qaïda au Maghreb islmaique [AQMI]. Tout ce qui intéresse les Nigériens, c'est de savoir s'ils vont manger à leur faim le soir. Les représentants de l'État savent séduire mais n'abordent jamais les vrais problèmes. Tout ce qui les intéresse, c'est le pouvoir. Ils mènent des campagnes clientélistes. Par exemple, dans les coins les plus reculés du pays, tout à coup, une armada de grosses voitures débarque et un homme vient vous expliquer pourquoi vous devez voter pour lui ou le candidat qu'il représente en vous distribuant du tabac et des vétêments. On est loin du débat d'idées.
Les quatre favoris sont dans le paysage politique depuis trop longtemps. Ils promettent monts et merveilles mais on les connaît. Mahamadou Issoufou, le favori, a été Premier ministre et président de l'Assemblée. Je ne lui fais pas confiance car il aurait déjà eu l'occasion de faire des bonnes choses s'il l'avait voulu. À Arlit, où il travaillait comme directeur d'exploitation de la mine pour Areva, il n'a jamais construit d'écoles ou réglé les problèmes d'eau. Seini Oumarou et Hama Amadou sont des "enfants Tandja". S'ils reviennent au pouvoir, le coup d'État n'aura servi à rien. Quand à l'ancien président Mahamane Ousmane, il est connu pour ne rien avoir fait pendant son mandat dans les années 1990. Le jeu d'alliance de ces hommes de pouvoir est très complexe. Mais aucun n'ose aborder les vrais problèmes du pays. Et, de toute façon, le Niger est dans un cycle étrange. Chaque fois que quelqu'un est élu, il quitte le pouvoir par la force. Alors que quand il arrive au pouvoir par la force, il le quitte démocratiquement."
"Quelques petites irrégularités mais, sincèrement, rien de grave"
Sabiou, 43 ans vit à Niamey. Il travaille pour le ministère de la Formation. Il nous a envoyé les photos ci-dessous prises dans le bureau de vote numéro 37 à Niamey.
Les bulletins de l'election présidentielle, au format A3. Les électeurs appuient avec leur pouce imbibé d'encre sur le portrait de leur candidat favori.
Une encre indélébile pour empêcher le double vote.
Les 6,7 millions d'électeurs votaient aussi pour des législatives.
Une urne pour chaque élection.
Le président déchu Mamadou Tandja avait proclamé la VIe République pour se maintenir au pouvoir à l'issue de son deuxième quinquennat. Le Conseil supérieur pour la restauration de la démocratie, nom que s'est donnée la junte militaire qui l'a renversé, veut instaurer à l'issue de ce scrutin une VIIe République. À droite sur la photo, le code électoral.
La cour du bureau de vote numéro 37 à Niamey.
Des représentants de chaque parti surveillent la régularité du scrutin.
Les Nigériens sont reconnaissants envers la junte car ils ont renversé le président Mamadou Tandja, au moment où une grave famine menaçait le pays en raison du manque de pluie en Afrique de l'Ouest. Le président ne semblait en effet pas en mesure de gérer cette crise. Ce coup d'État était prévisible. Les principaux partis politique d'opposition, les syndicats et une grande partie de la société civile s'étaient dressés contre lui. La Cédéao avait vainement tenté une médiation.
Les militaires ont promis trois choses. D'abord, essayer de réconcilier tous les Nigériens qui étaient divisés entre anti et pro-Tandja, ensuite lutter contre la corruption, en obligeant ceux qui ont détourné des fonds publics à rembourser, et enfin restaurer la démocratie avec des élections. Tout le monde dénonçait le "tazartché" ["continuité" en haoussa, terme utilisé pour qualifier la volonté de Mamadou Tandja de garder le pouvoir].
Les gens étaient plus que méfiants au début envers Salou Djibo. Le numéro un de la junte est un inconnu, c'est unancien chef d'un escadron blindé. Et au final, il a catégoriquement refusé de reporter les élections comme le demandaient 8 candidats sur 10 car il dit tenir absolument à rendre le pouvoir aux civils le 6 avril, comme promis. Mais du coup, la campagne électorale a été très courte. Après les élections municipales et régionales du 11 janvier, les candidats ont à peine eu deux petites semaines pour faire le tour du pays. C'est peu.
Concernant le scrutin dde lundi, on parle de quelques petites irrégularités. Des cas de procurations douteuses ou de cartes d'élécteur qui s'échangent entre père et fils, mais, sincèrement, rien de bien grave. Tout le monde attend maintenant la proclamation des résultats et le deuxième tour le 12 mars."