SOUDAN

Des milliers de Sud-Soudanais en route vers leurs terres natales

 Un référendum sur l’indépendance du Sud-Soudan est organisé le 9 janvier . Des centaines de milliers de Sud-Soudanais, qui vivent en exil dans le nord du pays, ont déjà pris la route pour rejoindre leur province d’origine.  

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Des péniches transportent sur le Nil des exilés de retour au Sud-Soudan. Photo : Tim Freccia pour l'ONG ENOUGH Project

 

Un référendum sur l’indépendance du Sud-Soudan est organisé le 9 janvier. Des centaines de milliers de Sud-Soudanais, qui vivent en exil dans le nord du pays, ont déjà pris la route pour rejoindre leur province d’origine.

 

Selon l’ONU, deux millions et demi de personnes devraient rentrer au Sud-Soudan d’ici le 9 janvier, date à laquelle la population devra voter pour ou contre la partition du Soudan en deux pays distincts. Ce référendum est le point-clé de l'accord de paix ayant mis fin, en 2005, à plus de deux décennies d’une guerre civile sanglante entre le Nord, musulman, et le Sud, en grande partie chrétien. Le gouvernement du Sud-Soudan, région semi-autonome composée de 10 Etats, a lancé en octobre la campagne de rapatriement accéléré de ses exilés afin d'assurer leur retour pour le référendum d’autodétermination.

 

Postée sur le site Midwife on a Mission.

 

Le président soudanais, actuellement en visite dans le sud du pays, a réaffirmé sa volonté de respecter l’issue du vote, tout en appelant à l’union nationale. Ces derniers mois, des forces militaires ont été déployées des deux cotés de la frontière entre le nord et le sud, signe d’une certaine tension entre les deux parties du pays à l’approche du référendum. . La semaine dernière, l'armée sud-soudanaise accusait les forces armées nationales d’avoir effectué un raid contre l'une de ses bases militaires. Par ailleurs, ce mardi, un important dispositif de sécurité a été déployé à Juba, principale ville du sud, où des soldats en armes patrouillaient dans les rues.

 

La grande majorité des analyses prédisent un vote massif en faveur de l’indépendance.

"Ils sont pris en charge pendant trois mois ; passé ce délai, ils seront livrés à eux-mêmes"

Stéphanie Williams est sage-femme à Tonj (Sud-Soudan) depuis six mois. Elle tient le blog Midwife on a Mission

 

Depuis quelques semaines, je vois des convois passer vers la ville de Rumbeck qui est à 5 heures de route plus au sud. Les bus sont bondés de voyageurs, de paniers et de baluchons. Ici à Tonj, les autorités attendent l’arrivée d’une vague de 700 personnes depuis plusieurs jours, mais il semblerait qu’il y ait eu des problèmes de bus. Mais tout est prêt, les écoles ont été réaménagées et des puits vétustes ont été réparés. D’après les informations que j’ai, ils devraient être pris en charge ici pendant trois mois au frais du gouvernement sud-soudanais. Pendant ces trois mois, ils devront reprendre contact avec leur famille et/ou trouver un logement ou une terre. Passé ce délai, ils seront livrés à eux-mêmes. Ces gens sont partis du sud il y a quelques années pour fuir les guerres tribales et ils reviennent avec beaucoup d’espoir de pouvoir reconstruire leur vie.

 

 

On sent qu’un changement arrive et comme toujours, il est accompagné de peur et de points d’interrogation. Tout ce que nous souhaitons, c’est que le président el-Bechir honore sa promesse de respecter le choix de la population du Sud-Soudan. Mais certaines questions restent en suspend et devront être réglées, notamment tout ce qui concerne les ressources pétrolières du Sud."

"Ils fuient aussi pour ne pas se retrouver coincés au nord et devenir la cible de représailles"

Tim Freccia est photographe pour l’ONG ENOUGH Project. Il a voyagé avec des Soudanais qui rentraient dans le sud. Toutes ses photos sont postées sur la page Flickr de l'ONG.

 

Il y a une semaine et demi, j’ai fait une partie du trajet avec des exilés qui repartaient du nord vers le sud. La raison officielle de leur départ, c’est le référendum, mais j’ai entendu plusieurs témoignages de personnes qui racontaient qu’elles partaient parce qu’au nord elles étaient maltraitées, menacées et risquaient d’être tuées. Le référendum est une opportunité à saisir pour tous les Sud-Soudanais qui ne pouvaient pas se payer le voyage vers le sud. Car là, c’est le gouvernement du Sud qui paye les trajets en bus ou en bateaux.

 

 

Par ailleurs, ils savent que si l’indépendance est votée, ils pourraient se retrouver coincés au nord et devenir la cible de représailles de la part de ceux qui souhaitaient l’unité du pays. [Selon un rapport de l’ONU, les Soudanais les plus exposés seraient ceux qui habitent le long de la frontière, ainsi que les quelque 800 000 personnes issues du Sud qui habitent près de la capitale, Khartoum ]

 

 

J’ai passé un certain temps à attendre les péniches d’exilés à plusieurs endroits de la rive du Nil. J’étais dans une petite barque, qui s’est retournée. Avec ma collègue, on s’est retrouvés dans une eau infestée de crocodiles à nager comme des fous vers la rive. Finalement, on a été récupérés par une autre péniche, attachée à deux autres. A bord, certains voyageaient déjà depuis plus d’une semaine. Sur mon embarcation, il y avait près de 650 personnes. Et bien que les conditions de vie étaient très mauvaises, notamment à cause du manque d’eau et de nourriture, les gens avaient l’air heureux de rentrer chez eux. Et tous avaient envie d’aller voter.

 

 

" Ils étaient 850 à vivre dans le port avec leurs quelques affaires en attendant qu’on les transporte dans leurs villages"

 

Je les ai quittés au niveau de la ville de Bor. Quand j’y suis retourné une semaine plus tard, la plupart des voyageurs avaient rejoint leurs villages d’origine, mais quelques familles attendaient toujours au camp du Programme alimentaire mondial (PAM). Entre temps, 850 autres exilés étaient arrivés. Ils vivaient dans le port avec leurs affaires en attendant qu’on les transporte dans leurs villages.

 

 

Aujourd’hui, je suis à Juba, la situation est calme. Si l’indépendance est votée, c’est sûr qu’il y aura une grande célébration ici. Mais c’est à la frontière entre le nord et le sud que les choses sont explosives, notamment dans la région d’Abyei. [Dans cette région du Sud-Soudan, certaines tribus sont favorables à l’indépendance, d’autres y sont opposées.] Inévitablement, des affrontements auront lieu quelle que soit la décision finale."

 

Un soldat du SPLA, l'Armée populaire de libération, se repose à l'arrière de la péniche, groupe rebelle armé qui défend l'indépendance du Sud-Soudan.

Billet rédigé en collaboration avec Ségolène Malterre, journaliste à France 24.