IRAN

L’étudiant kurde Habib Latifi échappe à la potence, mais pour combien de temps ?

 Considéré comme un "ennemi de Dieu" (mahred), Habib Latifi a été condamné à mort en Iran pour "atteinte à la sécurité de l’État". Dimanche matin, son exécution a été suspendue au dernier moment, mais quelques heures après, toute sa famille était arrêtée. Un très mauvais signe selon notre Observatrice.  

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Image extraite d'une vidéo de la manifestation organisée hier matin, devant la prison de Sandanaj, capitale à majorité kurde de la province iranienne du Kordistan.

 

Considéré comme un "ennemi de Dieu" (mahred), Habib Latifi a été condamné à mort en Iran pour "atteinte à la sécurité de l’État". Dimanche matin, son exécution a été suspendue au dernier moment, mais quelques heures après, toute sa famille était arrêtée.

 

En octobre 2007, Habib Latifi, alors étudiant à l’université Ilam Azad, capitale à majorité kurde de la province du Kordistan, est arrêté par les autorités iraniennes lors d’une manifestation anti-gouvernementale et mis en prison.

 

Les autorités l’accusent d’être membre d’un groupe armé de séparatistes kurdes et d'être par conséquent un "ennemi de dieu". En 2007, au terme d’un procès jugé biaisé par les organisations de défense des droits de l’Homme, Habib est accusé d’être un "ennemi de Dieu" et condamné à la pendaison. Mais pour sa famille, qui récuse tout lien avec le mouvement séparatiste armé, Habib a été emprisonné pour ses idées politiques.

 

Habib devait être pendu dimanche matin à la prison de Sandanaj. Mais au petit matin, 300 personnes se sont rassemblées devant l’entrée de la prison pour protester contre son exécution. Selon Amnesty International, à 6 h 30 du matin (heure locale), le chef de la prison a annoncé que l’exécution était suspendue. Ce dernier a ensuite autorisé la famille à voir le prisonnier. Les organismes de défense des droits de l’Homme se sont félicités, avec prudence, de cet ajournement. Mais le soir même, la famille du condamné, ainsi que des manifestants, ont été arrêtés à leur domicile.

 

Les Kurdes iraniens, dont la population est estimée à 7 millions, vivent essentiellement dans les régions frontalières de l’Irak et de la Turquie, comme l’Azerbaïdjan occidentale, le Kermanshah et le Kordistan. Le PJAK est issu du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui a pris les armes en 1984 pour obtenir la formation d’un État indépendant dans le sud-est de la Turquie et le nord-ouest de l'Irak.

 

L’Iran est le pays qui recourt le plus à la peine capitale, après la Chine. Selon Amnesty International, au moins 388 prisonniers y auraient été exécutés en 2009. Le 28 décembre, l’agence de presse officielle iranienne (Irna) a annoncé la pendaison d’Ali Akbar Siadat, accusé de travailler avec les services de renseignement israéliens.

 

Vidéo de la manifestation devant la prison de Sandanaj hier matin publiée sur YouTube par MarjanKhoshgel.

Billet rédigé avec la collaboration de Ségolène Malterre, journaliste à France 24.

"Le fait que la famille d’Habib ait été arrêtée est le signe que son exécution ne va pas tarder"

Sheilan (pseudonyme) a 23 ans, elle fait partie de la minorité kurde iranienne et étudie à l’université de Sanandaj.

 

Pour moi, le fait que la famille d’Habib ait été arrêtée est le signe que son exécution ne va pas tarder. [Pour Drewery Dick, chercheur à la section Iran d’Amnesty International, ces arrestations ont pour objectif de réduire la famille au silence au moment de l’exécution]. D’ailleurs, entre dimanche soir et lundi matin, le réseau téléphonique a été coupé dans toute la ville et le débit Internet était quasi-nul. Et depuis ce week-end, la police anti-émeute est un peu partout dans la ville.

 

Hier, j’assistais à la manifestation devant la prison de Sanandaj avec plus de 300 personnes. Le fait que le chef de la prison ait déclaré que l’exécution était repoussé ne veut rien dire. Il s’était passé la même chose pour Ehsan Fatahian, un activiste kurde qui a finalement été exécuté, dans cette même prison, en novembre 2009.

 

Dimanche, ils ont laissé sa famille le voir brièvement pour prouver qu’il n’était pas mort. Mais la condamnation n’a pas changé. L’avocat fait tout pour repousser l’exécution, mais il ne faut pas oublier que la sentence a été officiellement signée par les plus hautes autorités du système judiciaire et que donc, selon moi, elle sera appliquée [les avocats d’Habib sont actuellement en négociation avec des autorités religieuses iraniennes pour obtenir un sursis d’au moins deux mois à l’exécution de la sentence]."

 

Portrait de Habib.