SOUDAN

Condamnée à 50 coups de fouet parce qu’elle a osé porter un pantalon

 Sur cette vidéo qui circule depuis mercredi sur Internet, on voit des policiers fouetter une femme en public. D’après notre Observatrice, ces images ont choqué même les soudanais les plus conservateurs.

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Sur cette vidéo qui circule depuis mercredi sur Internet, on voit des policiers fouetter une femme en public. D’après notre Observatrice, ces images ont choqué même les Soudanais les plus conservateurs.

 

Ce n’est pas la première fois qu’une femme est soumise à ce genre de châtiment au Soudan. Il y a un peu plus d’un an, c’était le " pantalon de Loubna " qui défrayait la chronique . Une journaliste avait été arrêtée et condamnée à être fouettée à cause de sa tenue vestimentaire, mais la médiatisation de l’affaire avait empêché l’application de la sentence.

 

Attention, ces images peuvent choquer.

 

[Actualisation - 15/12/2010 à 10:00 ] : Notre observatrice a été arrêtée hier lors d'une manifestation organisée à Khartoum par le mouvement "Non à l'oppression des femmes" et a été libérée quelques heures après.

"Nous refusons que ces policiers restent impunis"

 

Mariam Ezzedine est membre du parti de "la coalition nationale" (parti d’opposition, ndlr) et militante au sein du mouvement  " Non à l’oppression des femmes" qui a été créé suite à la fameuse affaire de la journaliste Loubna Ahmad Hussein, arrêtée, condamnée à être fouettée à cause de sa tenue vestimentaire, puis grâciée après la médiatisation de son histoire.

 

Cette vidéo a été filmée au siège de la police de Khartoum, en présence d’un juge du tribunal de police [selon des sites soudanais, la scène se serait déroulée le 5 décembre, ndlr]. Elle a été postée sur YouTube et a très vite fait le tour du Net soudanais. La femme qu’on voit sur ces images a été condamnée à 50 coups de fouet parce qu’elle avait osé porter un pantalon. Ceci n’est pas une première au Soudan.

 

"On entend également des policiers rire alors qu’elle hurle de douleur"

 

Mais plus que le jugement, c’est la manière avec laquelle la peine a été appliquée qui a choqué l’opinion publique. On voit sur la vidéo que les deux policiers fouettent la jeune femme sur tout le corps, y compris sur le visage, ce qui est contraire à la loi. On entend également des policiers rire alors qu’elle hurle de douleur. Ses bourreaux ne semblent d’ailleurs pas le moins du monde gênés par la présence d’une caméra. Un agent demande même à ce que l’on filme les gens qui assistent à la punition – même si lui se cache le visage dès que l’objectif est braqué sur lui.

 

"Ce qu’est une tenue indécente est laissée à la libre appréciation des policiers"

 

Ce genre de punition est toutefois légal. Il est stipulé dans la "loi sur l’ordre public" que les femmes ne doivent pas porter de "vêtements indécents" et les peines encourues sont précisées dans l’article 152 du code pénal. Il est stipulé que les femmes qui portent des tenues indécentes peuvent être fouettées et/ou soumises à une amende. Et la définition de ce qu’est une tenue indécente est laissée à la libre appréciation des policiers. Ces derniers ont carte blanche pour arrêter les femmes, mais aussi pour exécuter la sentence sans passer par un juge et sans que l’accusée puisse recourir à un avocat ou appeler qui que ce soit.

 

Depuis l’affaire de la journaliste Loubna Ahmad Hussein, nous ne cessons de lutter pour l’abrogation de la "loi sur l’ordre public". Au cours de nos manifestations, nos militantes sont prises à parti par les forces de police et même parfois arrêtées. Il y a six mois, nous avons voulu saisir la Cour constitutionnelle pour demander l’abrogation de cette loi, mais notre requête n’a même pas été examinée.

 

Malgré les obstacles, nous ne comptons pas nous arrêter là. Demain, le 14 décembre, à partir de 11 heures, nous organisons une marche de protestation qui nous conduira successivement devant le Parlement régional de Khartoum et devant le Parlement national du Soudan.

 

Ces pratiques ne sont ni plus ni moins que de la ségrégation envers les femmes soudanaises et nous refusons que ces policiers restent impunis. "

 

Billet écrit en collaboration avec Sarra Grira, journaliste à France 24.