Le combat des Rapa Nui pour récupérer leurs terres se termine en carnage
La très tranquille île de Pâques a été le terrain de violents affrontements la semaine dernière après que la police a évacué, par la force, des manifestants indigènes Rapa Nui. Ces derniers occupaient des locaux administratifs qu’ils disent construits sur leurs terres ancestrales.
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La très tranquille île de Pâques a été le terrain de violents affrontements la semaine dernière après que la police a évacué, par la force, des manifestants indigènes Rapa Nui. Ces derniers occupaient des locaux administratifs qu’ils disent construits sur leurs terres ancestrales.
Les Rapa Nui constituent le peuple autochtone de la petite île chilienne de Pâques. Un lieu connu pour ses gigantesques statues Moai érigées par les ancêtres des Rapa Nui, et classés aujourd’hui au patrimoine mondial de l’Unesco.
Les Rapa Nui affirment avoir été dépossédés des terres de leurs ancêtres par le gouvernement chilien et ont commencé, le 27 juillet 2010, à occuper 14 lieux pour forcer les autorités à négocier. Le 3 décembre, 25 manifestants Rapa Nui ont été blessés par des tirs de balles en caoutchouc, des pistolets à grenailles et des coups de matraques. La police affirme n’avoir tirer qu’après avoir reçu des cocktails Molotov. Pour les manifestants, seule une poignée d’entre eux a jeté des bâtons et des pierres, mais la plupart n’était pas armée.
Mercredi, le président du Chili, Sebastian Pinera, a justifié cette éviction au motif qu’il était de la responsabilité de l’Etat de maintenir l’ordre public, ajoutant qu’il espérait que la question se réglerait dans le dialogue.
Bien que, majoritairement, les Rapa Nui ne remettent pas en question le rattachement de l’île au Chili, le groupe d’activistes "Parlement Rapa Nui", réclame la sécession et le rattachement de l’île de Pâques à la Polynésie française.
Des Rapa Nui brandissent leur drapeau devant un bâtiment construit sur une terre qui aurait appartenu à leurs ancêtres. Photo envoyée par notre Observateur.
Des manifestants Rapa Nui blessés après l’évacuation du 3 décembre
Des manifestants en colère jettent des pierres sur les policiers qui gardent les lieux d’où sept membres du clan Tuko Tuki ont été évacués le matin même. La police répond par des balles en caoutchouc et des tirs de grenailles. Vidéo postée sur YouTube par usercortx.
Photos postées sur Pueblo Rapa Nui.
"Ils nous ont promis de rendre nos terres en 1966 et 40 ans après, on attend toujours"
Francisco Marin est le porte-parole de “Prensa Rapa Nui”, un groupe de soutien à la cause Rapa Nui basé au Chili.
Les Rapa Nui sont les autochtones de l’île de Pâques, qui a été annexée par le Chili en 1888. Ils se battent pour qu’on leur rende les terres de leurs ancêtres qu’ils ont perdu quand l’état chilien a loué 90% de l’île à la compagnie lainière britannique Williamson Balfour. Les Rapa Nui se sont retrouvés à vivre sur une minuscule réserve au sud-ouest de l’île et ont vécu comme des esclaves jusqu’en 1960, quand le contrat entre la compagnie et l’Etat chilien a pris fin. En 1966, le gouvernement chilien a attribué la citoyenneté au peuple pascuan et a promis aux Anciens qu’il leur rendrait une partie de leurs terres. Et plus de 40 ans après, les Rapa Nui attendent toujours.
Après des années de manifestations et de pétitions restées vaines, les membres de plusieurs clans de Rapa Nui ont décidé d’occuper pacifiquement certaines parcelles de ces terres. Le 27 juillet, des manifestants ont installé quatorze camps et planté des drapeaux devant différents endroits, parmi lesquels des bâtiments ministériels et l’hôtel de luxe Hango Roa.
Depuis, ils se relayent jour et nuit. Ils ont résisté à une première tentative d’éviction en septembre.
"Ils ont volé notre terre. Gouvernement = Oppression ". Photo postée sur Facebook par Pueblo Rapa Nui.
En novembre, la cour d’appel de Valparaiso [L’île de Pâques est administrée par la région de Valparaiso] a rejeté la demande des propriétaires de l’hôtel Hanga Roa, occupé par le clan Hito, de déloger les manifestants au motif que la demande de récupération de cette terre était légitime. Mais le 2 décembre, un tribunal de l’île a donné l’ordre aux activistes de quitter les lieux sous 24 heures. A 6 heures du matin, le 3 décembre (c'est-à-dire moins de 24 heures après), un groupe de 30 policiers armés de matraques, de pistolets à grenailles et de vrais pistolets sont entrés dans l’enceinte occupée par sept membres du clan Tuko Tuki, les ont réveillés, puis forcés à partir. La protestation qui a suivi a été violemment réprimée par la police.
“C’est la première fois que ce conflit larvé entre les défenseurs des droits des Rapa Nui et les autorités locales se termine dans une effusion de sang”
C’est la première fois que ce conflit larvé entre les défenseurs des droits des Rapa Nui et les autorités locales se termine dans une effusion de sang et atteint un tel niveau sur l’île. J’ai parlé à plusieurs chefs Rapa Nui : ils sont frustrés et en même temps, craignent la suite des évènements. Après tout, que peut-on faire avec des bâtons contre des personnes armées de pistolets ? Raul Celis, le gouverneur de Valparaiso, est arrivé sur l’île le dimanche suivant mais il n’a parlé à aucun leader Rapa Nui. Les autorités ne font aucun effort pour dialoguer et résoudre les choses pacifiquement. Les investisseurs privés et les autorités locales font tout pour maintenir le contrôle de l’île qui est située à un endroit stratégique dans l’océan pacifique (le Chili a prévu d’y construire des ports de commerce et un deuxième aéroport.) Le tourisme aussi devrait être développé mais les locaux s’inquiètent de ne pas bénéficier de ce prétendu développement.
Les Rapa Nui continuent en ce moment à occuper 12 endroits à travers toute l’île. Mais dimanche dernier, un avion militaire transportant des renforts de police a été envoyé du continent et le gouverneur a prévenu que tous les sites occupés seraient évacués. "