Manifestations contre la réforme du code fiscal : "Le président fait le jeu des grosses entreprises"
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Entre 4 000 et 10 000 artisans et commerçants ont battu le pavé, lundi, en Ukraine pour protester contre l'entrée en vigueur du nouveau code fiscal qui prévoit d’augmenter les taxes sur les petites et moyennes entreprises (PME). Six ans jour pour jour après la Révolution orange, la rue va-t-elle faire reculer le président Viktor Ianoukovitch ?...
Entre 4 000 et 10 000 artisans et commerçants ont battu le pavé, lundi, en Ukraine pour protester contre l'entrée en vigueur du nouveau code fiscal qui prévoit d’augmenter les taxes sur les petites et moyennes entreprises (PME). Six ans jour pour jour après la Révolution orange, la rue va-t-elle faire reculer le président Viktor Ianoukovitch ?
Adopté en dernière lecture jeudi dernier, le nouveau code dessine les contours d’une fiscalité simplifiée pour répondre aux exigences du Fonds monétaire international (FMI) : il annule certains prélèvements et prévoit une baisse des principaux impôts (l'impôt sur le revenu et la TVA). Avant d'entrer en vigueur, le texte doit encore être validé par le président. Les milieux d’affaires et l’opposition dénoncent une législation "injuste" car elle supprime l’impôt unique pour les PME et favorise les grandes entreprises.
Avec la Biélorussie et le Venezuela, l’Ukraine partage la palme du plus mauvais système fiscal du monde, selon le rapport annuel de la Banque mondiale. Le nouveau code fiscal s’inscrit dans le cadre d'une vaste réforme économique menée par le gouvernement pour s'aligner sur les normes européennes.
Conscient que le climat social menace sa popularité, Viktor Ianoukovitch se veut rassurant auprès de l’opinion. Lundi, il a appelé les manifestants à faire preuve de calme et de patience. Il a par ailleurs promis de tenir compte de leurs revendications avant de prendre sa décision.
"Ce code fiscal va favoriser l'économie souterraine"
Oksana Abboud est la responsable à l'international de la Confédération des syndicats d’Ukraine (KVPU).
Au sein de notre syndicat, il y a une association de chauffeurs de taxis de la région de Lviv (ouest de l’Ukraine) qui participe à nos actions. Avec la nouvelle loi, plusieurs nouvelles taxes vont s’additionner pour financer d’autres dépenses publiques, comme les retraites. Les taxis devront payer entre 65 et 93 euros par mois d'impôts alors qu'ils ne gagnent pas plus de 185 à 230 euros mensuels.
Les PME devront payer entre 38 % et 50 % de taxes. C’est énorme pour ces entreprises qui ne font pas suffisamment de profits. Le pire, c’est que les grandes entreprises ne paieront pas ce même pourcentage. Si le code fiscal est appliqué, les chefs d'entreprises vont cacher une partie de leurs revenus et n'en déclarer qu'une portion à l'État. On va développer l'économie souterraine.
Nous sommes d’accord pour améliorer la situation de l’Ukraine, mais il serait plus logique de faire payer les grosses entreprises et de réduire la charge fiscale des plus petites. Je suis d’avis que les représentants du FMI viennent discuter avec les entrepreneurs avant de vouloir révolutionner le système ukrainien.
Viktor Ianoukovitch représente malheureusement la frange la plus riche de la population. Il n’a pas rempli sa mission, celle d’appliquer la Constitution ukrainienne. Sa politique n’a d’autre but que de développer les grosses entreprises au détriment des petites."
Manifestation place de l'Indépendance à Kiev, le 22 novembre. Photo publiée par Taras, un blogueur ukrainien.
"La taxe va passer à 80 euros par mois, c'est énorme pour des commerçants qui gagnent 200 euros par mois"
Chef d'entreprise français, Jacques Mange travaille en Ukraine depuis 3 ans. Il vient de créer son entreprise d'agro-technologies.
Depuis la création de mon entreprise il y a six mois, j’ai tous les documents, sauf mon numéro de TVA que l’État tarde à me donner. Alors je suis obligé de m'arranger sans.
Avant, on pouvait faire jusqu'à 50 000 euros de chiffre d’affaires par mois sans payer plus de 20 euros de taxes, ce qui est très peu. Cette taxe va passer à 80 euros. Or c’est énorme pour des commerçants qui gagnent 200 euros par mois.
Tous les jours, le gouvernement lance une nouvelle mesure pour brouiller les cartes et faire patienter les gens jusqu’à l’année prochaine. L’arrivée au pouvoir de Viktor Ianoukovitch avait fait naître beaucoup d'espoir au sein de la classe moyenne. Aujourd’hui, les gens sont très déçus. Si celui-ci ne fait rien, une Révolution orange lui pend au nez, comme il y a cinq ans.
Certains parlent de destituer le président, mais je n’y crois pas. Il a quand même tout le clan russe derrière lui."
Manifestation dans les rues de Kiev, le 22 novembre. Photo publiée par Taras, un blogueur ukrainien.