BANGLADESH

Les Bangladeshis manifestent contre le harcèlement sexuel

 Des sifflets, des blagues douteuses et parfois même des gestes déplacés. Dans la rue bengalie, des jeunes femmes sont victimes en public de harcèlement sexuel appelé "Eve Teasing". Longtemps sans défense, aujourd’hui certaines multiplient les actes de protestation au nom de toutes celles qui, sous la pression de leurs prédateurs, ont choisi de se suicider.  

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Des étudiants et des lycéens manifestent contre le "Eve Teasing" dans les rues de Dacca, le 3 novembre 2010. Photo publiée par Fardous Ahmed Uzzal.

 

Des sifflets, des blagues douteuses et parfois même des gestes déplacés. Dans la rue bengalie, des jeunes femmes sont victimes en public de harcèlement sexuel appelé "Eve Teasing". Longtemps sans défense, aujourd’hui certaines multiplient les actes de protestation au nom de toutes celles qui, sous la pression de leurs prédateurs, ont choisi de se suicider.

 

Des dizaines de jeunes, hommes et femmes confondues, sont descendus mercredi 3 novembre dans les rues de Dacca, capitale du Bangladesh, pour protester contre le "Eve Teasing" et ses conséquences dramatiques. Depuis le début de l’année, les militants des droits de l’Homme estiment que ce phénomène est responsable de la mort d’une vingtaine de personnes.

 

La plupart de ces victimes sont des femmes qui estimaient n’avoir plus d’autre choix pour échapper à leurs agresseurs que de mettre fin à leurs jours. L’un des cas les plus médiatisés est celui de Nashfia Akhand Pinky, une adolescente de 13 ans harcelée par son voisin de 22 ans. Elle s’est pendue dans sa chambre en janvier après avoir laissé une note où elle racontait son calvaire.

 

Son suicide et celui d’autres femmes ont bouleversé le pays, à tel point qu’une journée nationale contre le "Eve Teasing" a été organisée le 13 juin par le ministre de l’Éducation. En octobre, le Premier ministre, Sheikh Hasina, a déclaré qu’elle durcirait la législation dans les prochains mois.

 

Parmi les victimes du "Eve Teasing", on compte également celles, ou ceux, qui ont osé s’opposer aux harceleurs. La semaine dernière une femme de 45 ans a été percutée par un motard juste après avoir protesté contre le harcèlement de sa fille par le conducteur de la moto.

Vidéo d'une campagne contre le "Eve Teasing"

Campagne pour sensibiliser aux dangers du "Eve Teasing". A la fin de la vidéo, on peut lire : "Cela peut être votre fille." Vidéo postée sur youtube par Seasonz70.

 

 

Ce billet a été rédigé en collaboration avec Cécile Loïal, journaliste à France 24.

 

"Quand elles osent dénoncer leurs prédateurs, leur entourage ne les prend pas au sérieux"

Fardous Ahmed Uzzal est le secrétaire général du syndicat étudiant du Bangladesh (BSU) à l’origine de la manifestation du 3 novembre.

 

Le 'Eve Teasing" existe dans d'autres pays [Inde, Egypte] mais au Bangladesh, il a une signification différente car il peut pousser les femmes au suicide. Au fil des années, c’est devenu un problème qui touche le pays entier. L’histoire de Pinky a eu beaucoup d’échos, mais il ne faut pas oublier toutes les autres, comme Purnima ou Elora qui s’est pendue à un ventilateur.

Les harceleurs poursuivent leurs victimes partout dans la rue. C’est une véritable souffrance pour ces jeunes femmes. Quand elles osent dénoncer leurs prédateurs, leur entourage ne les prend pas au sérieux. Beaucoup de gens pensent que ce sont les jeunes femmes qui encouragent le 'Eve Teasing'. Certains pensent même qu’elles devraient porter le voile pour éviter le harcèlement sexuel. Dans ce climat, beaucoup des victimes préfèrent se taire. Et quand les jeunes femmes ne peuvent plus faire valoir leurs droits et pensent avoir perdu leur honneur, elles passent à l’acte car elles ne se sentent plus en sécurité.

 

Les familles des victimes du 'Eve Teasing" pensent régler le problème par leurs propres moyens, comme par exemple réprimander les auteurs. Mais si le harcèlement continue, ils décident alors de garder les jeunes filles à la maison. Elles ne peuvent plus aller à l’école ou à l’université et on cherche à les marier au plus vite. Beaucoup d’étudiantes ont ainsi dû abandonner leurs études. Ceux qui cherchent à les défendre sont aussi en danger, c’est donc difficile de se battre contre le 'Eve Teasing'.

 

Nous avons tout d’abord besoin d’un changement de mentalités, mais aussi d’un changement dans notre système éducatif. Toute nouvelle loi qui permettrait de combattre ce fléau de manière plus efficace pourrait aussi nous aider car aujourd’hui, la police et la justice s’intéressent peu aux victimes.

 

Les jeunes femmes de notre pays veulent étudier, travailler sans être perturbées par des harceleurs. C’est notre devoir de contribuer à ce qu’elles évoluent dans un meilleur environnement."

 

Manifestation du 3 novembre 2010. Photo publiée par Fardous Ahmed Uzzal.

 

Manifestation du 3 novembre 2010. Photo publiée par Fardous Ahmed Uzzal.

 

Affiche du BSU où l'on peut lire : "Stop au 'Eve Teasing', stop au harcèlement sexuel". Photo publiée par Fardous Ahmed Uzzal.