La sanguinolente procession des taoïstes de Phuket
Pendant que les touristes bronzent sur les plages de Phuket, en Thaïlande, les habitants marchent sur des braises et se percent les joues avec des régimes de bananes et des clefs à molette.
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Photo postée sur le blog Jamie's Phuket Blog.
Pendant que les touristes bronzent sur les plages de Phuket, en Thaïlande, les habitants marchent sur des braises et se percent les joues avec des régimes de bananes et des clefs à molette.
Selon la légende, en 1825, les membres d'une troupe d’opéra chinoise, de passage sur l’île de Phuket, tombèrent mystérieusement malades. Ils ne retrouvèrent la santé qu'après une pénitence de neuf jours, durant laquelle ils jeunèrent et se percèrent le corps avec des objets pointus.
Depuis, tous les ans, pendant les neuf premiers jours du 9e mois du calendrier lunaire chinois, les habitants de confession taoïste organisent le "festival végétarien de Phuket". Objectif : se purifier le corps et l’esprit.
Billet rédigé avec la collaboration de Ségolène Malterre, journaliste à France 24.
"Ces dernières années, j’ai quand même l’impression que ce rituel est devenu une sorte de compétition"
Jamie est un expatrié vivant à Phuket depuis 1999. Il a assisté à plusieurs festivals taoïstes et a posté des photos du dernier sur son blog Jamie's Phuket Blog.
C’est l'un des moments les plus fous de l’année à Phuket, si ce n’est le plus fou. Certains habitants détestent ce festival, ils en ont ras-le bol car les processions bloquent la circulation. D’autres ne le remarquent même pas, car tout se déroule dans la ville de Phuket ou dans des villages où vivent des communautés d’origine sino-thailandaise, comme Kathu, Sapam ou Tha Reua.
Mais moi, personnellement, j’adore. J’aime ces vieilles traditions, la façon que les locaux ont de les perpétuer, leurs incroyables processions. J’aime les photographier. Et puis cela me fait un prétexte pour faire dix jours de désintoxication. Je me mets à la diète et je ne bois plus d’alcool, mais je ne m’habille pas en blanc et je ne me transperce pas avec des objets pointus. Ça, je le laisse aux vrais fidèles !
Le festival a commencé le 7 octobre avec l’érection dans tous les temples de la perche de Go Teng, une perche en bois de 20 mètres de haut. On est allé voir la cérémonie au sanctuaire de Kathu avec ma famille. On a raté l’installation du Go Teng, mais on a vu la montée des neuf lanternes (une pour chacun des neuf dieux). Elles sont allumées dans la soirée à minuit, à l’heure où les divinités descendent, par la perche, dans le sanctuaire. (…)
Mais le vrai évènement, c’est la première procession. Cette année, c’était le 10 octobre au sanctuaire de Sapam, à 7 km au nord de Phuket. J’y étais à 7h du matin pour voir le départ. Les fidèles ont marché jusqu’à la ville. Il y avait plein de monde, je pense que tout Sapam était là.
"Certains “piercings” sont vraiment répugnants, d’autres plus spirituels."
Le festival a pour but de purifier le corps. Les fidèles mangent sainement, ne boivent pas de bière Chang [bière thaïlandaise], etc. Mais, j’espère que personne ne nous voit comme un village de hippies où l'on mange des burgers de tofu en portant des t-shirts : "Manger de la viande est un crime". Car le sang coule à flot pendant ces neufs jours. Certaines personnes nées pour être "Ma Song" (chevaux fous) s’adonnent à des automutilations ou à des "piercings" extrêmes. C’est censé leur porter chance. Je reconnais que certains piercings sont vraiment répugnants, mais d’autres sont plus spirituels.
Ce Ma Song vient de préparer son visage, ou plutôt, il vient de l’empaler avec 6 larges sabres. Il fait un geste pour sa communauté, comme celui, ci-dessous, qui a choisi comme instrument de torture des ananas. (…)
Celui-ci est plus traditionnel et utilise des broches avec des figurines chinoises aux extrémités. Ces dernières années, j’ai quand même l’impression que ce rituel est devenu une sorte de compétition. Et je suis persuadé que les participants savent qu’en se perçant les joues avec quelque chose de gros et d’étrange, ils sont à peu près sûrs d’être dans les journaux...ou du moins, sur mon blog. "
Ma Song avec des clés à molette.