INDONESIE

Les Papous torturés par l’armée indonésienne : la preuve en images

Identifiés grâce à des vidéos amateur, les trois soldats indonésiens qui ont torturé des Papous au mois d'octobre dernier ont été condamnés à des peines de 8 à 10 mois de prison ferme par un tribunal indonésien.

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ACTUALISATION - (24/01/2011) : Les trois soldats présents sur ces vidéos ont été condamnés à des peines de 8 à 10 mois de prison ferme par un tribunal indonésien. Ils étaient accusés de désobéissance aux ordres. Les organismes de défense des droits de l’Homme auraient souhaité qu'ils soient poursuivis pour torture. 

Voir l'émission des Observateurs sur la torture en Papouasie-Occidentale.

Une vidéo montrant des soldats de l’armée indonésienne torturant des indigènes de Papouasie-Occidentale a été postée sur Internet il y a quelques jours. Pour notre Observateur, de telles exactions sont courantes dans une région où les militaires ont carte blanche pour faire taire les velléités séparatistes.

La vidéo postée sur le site de la Commission asiatique pour les droits de l’homme est en deux parties. Dans la première, il s’agit de l’arrestation d’un groupe d’indigènes papous par des soldats indonésiens. Les villageois indigènes, accusés d’être en contact avec les organisations séparatistes de la région, sont frappés à plusieurs reprises à la tête et insultés.

Dans la deuxième partie de la vidéo, deux hommes sont ligotés et subissent humiliations et sévices corporels tout en étant interrogés sur leurs liens présumés avec des groupes séparatistes armés. L’un d’entre eux est menacé, un couteau sous la gorge, l’autre visiblement plus âgé, a un sac en plastique sur la tête et se fait brûler les parties génitales avec un bâton incandescent.

Attention, bien que les passages les plus violents aient été supprimés, ces images peuvent choquer.

Devant le tollé déclenché par la diffusion de ces images, le gouvernement indonésien a ordonné l’ouverture d’une enquête.  Le 22 octobre, Djoko Suyanto, le ministre indonésien chargé de la sécurité a reconnu  que les personnes filmées sur ces images étaient bien des membres de l’armée indonésienne. Il a ajouté que ces actions étaient excessives et non professionnelles et que leurs auteurs seront punis. La ministre a toutefois ajouté que les soldats avaient de bonnes raisons de penser que  les villageois interrogés étaient dangereux et qu’ils étaient armés au moment de l'interpellation. Selon les organisations de défense des droits de l’homme, il ne s’agissait que de simples fermiers.

Selon l'ONG Survival, certaines sources indiquent que l’homme âgé est toujours porté disparu, probablement mort, et que le plus jeune a été relâché.

La province de Papouasie-Occidentale, ancienne colonie néerlandaise, a été placée par l’ONU sous l’administration de Jakarta en 1963. Lors du référendum de 1969, que le mouvement indépendantiste considère truqué, la province a été définitivement rattachée à l’Indonésie. Depuis, l’organisation de la libération papoue (Organisasi Papua Merdeka, O.P.M.) lutte pour l’indépendance de la Papouasie-Occidentale.

Billet rédigé avec la collaboration de Ségolène Malterre, journaliste à France 24.

"L’armée justifie toutes ses actions par le fait qu’il y ait des groupes séparatistes armés dans la région"

Benny Wenda est un des leaders du mouvement indépendantiste de Papouasie-Occidentale. En exil, il vit actuellement en Grande-Bretagne.

Selon mes contacts sur place, ces images ont été filmées dans la région des hautes terres de Papouasie-Occidentale, à proximité du village de Tingginambut. C’est tout près du village où je suis né et où j’ai vécu. Je sais à quel point là-bas, les gens ne sont pas libres depuis que les militaires ont été déployés en grand nombre  en 2004. Toutes les routes sont bloquées, les habitants n’ont aucun droit de libre circulation et sont constamment contrôlés par l’armée indonésienne.

L’armée justifie toutes ses actions par le fait qu’il y ait des groupes séparatistes armés dans la région. Des villages sont régulièrement brûlés par les soldats, [une vidéo de village réduit en cendres a été postée sur Internet il y a quelques jours], les femmes sont violées et les hommes torturés. Le but est d’intimider et de tuer dans l’œuf toutes formes de liberté d’expression.

Les humiliations sont nombreuses. Les militaires coupent les cheveux des hommes qui ont des coiffures traditionnelles. Quand ils tombent sur des personnes qui ne parlent pas la langue, ils les brutalisent. Les communautés sont obligées de fuir leur villages.

"L’armée se soucie peu des gens qu’il y a ici, ils veulent garder le contrôle de nos ressources en cuivre, en pétrole et en or"

Et c’est pour agir les mains libres que le gouvernement indonésien empêche les journalistes et les ONG de venir travailler dans cette province.

Il se passe exactement la même chose qu'au Timor-Oriental [Le Timor-Oriental a acquis son indépendance en 2002 après 27 ans d’occupation par l’armée indonésienne marqués par une escalade de la violence]. Depuis la reconnaissance de leur indépendance, les unités militaires du Timor-Oriental sont redéployées en Papouasie-Occidentale. La zone est aujourd’hui complètement militarisée.

L’armée se soucie peu des gens qu’il y a ici, ils veulent garder le contrôle de nos ressources en cuivre, en pétrole et en or [la mine de Timika est une des plus grandes mines d’or du monde]. "