Le maire de Moscou remercié : "On parlera de victoire quand on pourra de nouveau élire notre maire."
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Mardi, le président russe Dmitri Medvedev a démis de ses fonctions le maire de Moscou, Yuri Luzhkov, qui avait choisi de rester en vacances alors que des feux ravageaient sa région. Pour notre Observateur, le problème reste entier, car son successeur sera toujours nommé par le Kremlin.
Caricature de Yuri Luzhkov par "Alex", postée sur gayswithoutborders et GayRussia.ru. Mardi, le président russe Dmitri Medvedev a démis de ses fonctions le maire de Moscou, Yuri Luzhkov, qui avait choisi de rester en vacances alors que des feux ravageaient sa région. Pour notre Observateur, le problème reste entier, car son successeur sera toujours nommé par le Kremlin.
Yuri Luzhkov est l'un des hommes politiques les plus controversés, mais aussi l'un de ceux ayant eu le plus de longévité. Elu maire de Moscou pour la première fois en 1992, il a été réélu à trois reprises jusqu'en 2003. En 2004, le président Vladimir Poutine a annulé le système d'élection directe des gouverneurs régionaux et des maires. C'était au lendemain de la prise d'otages de Beslan. L'objectif affiché était d'améliorer l'administration locale et de combattre le terrorisme. Luzhkov avait toutefois été maintenu dans ses fonctions par le Kremlin.
Agé de 74 ans, le maire a dirigé la ville de Moscou d'une main de fer pendant 18 ans. Pour ses partisans, il a réussi à transformer la veille ville soviétique en une métropole riche et glamour, en la dotant de luxueux gratte-ciel et d'infrastructures de qualité.
Pourtant, pendant ces dernières années de mandat, il a aussi été accusé d'avoir détruit l'héritage historique de Moscou, négligé les transports publics et réprimé les groupes d'opposition et les minorités, en particulier les gays. Il a par ailleurs dû faire face a des accusations de corruption. Sa femme, Yelena Baturina, dirige une compagnie de construction immobilière qui a été chargée de plusieurs projets de travaux publics très lucratifs. Il est suspecté d'avoir bâti son immense fortune grâce à des prises illégales d'intérêts.
L'impopularité de Luzhkov était à son comble cet été, après qu'il a décidé de se payer des vacances dans les Alpes autrichiennes alors que les Moscovites faisaint face à une vague de chaleur et d'incendies sans précédent.
Samedi 25 septembre, plusieurs centaines d'opposants s'étaient rassemblés sur la place Bolotnaya, près du Kremlin, pour la dernière d'une longue série de manifestations contre Yuri Luzhov, en brandissant des panneaux comme : "Des élections libres pour un nouveau maire" ou "Non à la censure."
Manifestations anti-Luzhkov en septembre
Rassemblement pour la démission de Luzhkov et pour l'élection libre d'un nouveau maire. Place Bolotnaya, Moscou, le 25 septembre 2010.
Manifestation gay contre Luzhkov à Moscou, le 21 septembre 2010.
La police interdit une manifestation anti-Luzhkov, le 20 septembre 2010.
"Ce licenciement est le résultat d’une lutte de pouvoir entre lui et le Kremlin"
Ilya Yashin est un des leaders du mouvement d'opposition Solidarnost. Il a participé aux manifestations de la place Bolotnaya, le samedi 25 septembre. Commentaire pris par téléphone.
Je suis très mitigé sur la décision de Medvedev. D'un côté, Luzhkov était maire depuis bien trop longtemps, il aurait dû partir beaucoup plus tôt. D'un autre côté, le nouveau maire sera encore une fois choisi par le Kremlin, sans aucune consultation des habitants de Moscou et il ne sera sûrement pas beaucoup mieux. Aujourd'hui, nous devons récupérer notre droit d'élire le maire de notre ville.
Cela dit, il y a plus de points positifs que négatifs dans ce limogeage. Les problèmes concernant la ville de Moscou ont atteint un seuil critique. La corruption est à son paroxysme, les institutions locales sont dans une vraie pagaille et les réseaux de transports dans un état catastrophique. Au moment où je vous parle, je suis coincé dans un embouteillage alors que j'essaie de rentrer de l'aéroport Domodedovo. Ma voiture a à peine bougé depuis deux heures et demi. C'est une situation que les Moscovites connaissent bien.
Je vous décrit les principaux problèmes, mais il y en a beaucoup d'autres. Et rien n'a été fait pour les régler. Même si Luzkhov a toujours été très fidèle envers les dirigeants du pays, les problèmes qui existent à Moscou sont impossibles à ignorer et le président devait le limoger.
Je ne veux pas surestimer le rôle de nos manifestations dans cette décision. Cela dit, je pense que notre campagne a tout de même eu une certaine influence. Mais ce licenciement est surtout le résultat d'une lutte de pouvoir entre lui et le Kremlin. Les autorités ont arrêté de le soutenir, les médias officiels l'ont ouvertement attaqué ces derniers temps - ce qui n'était jamais arrivé auparavant - et la police n'a absolument rien fait pour nous empêcher de manifester sur la place Bolotnaya.
On parlera de victoire quand on pourra de nouveau élire "notre" maire. Malheureusement, il est très peu probable que cela arrive. Dans la Russie moderne, l'opposition n'a aucun droit et aucune possibilité d'influencer la prise de décision. Nous ne pouvons qu'énumérer les problèmes et attirer l'attention des gens. Néanmoins, nous continuerons à défendre notre cause. Nous pensons que c'est le bon moment pour faire bouger les choses."