VENEZUELA

Mort de faim pour dénoncer la politique d’Hugo Chavez

Un agriculteur vénézuélien mort après une grève de la faim prolongée est devenu le symbole de la résistance au président Hugo Chavez. Le gouvernement rétorque toutefois que les médias d’opposition manipulent cette affaire pour attaquer le président avant les élections législatives du 26 septembre.

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Franklin Brito en 2004, et en 2009 pendant sa dernière grève de la faim.

Un agriculteur vénézuélien mort après une grève de la faim prolongée est devenu le symbole de la résistance au président Hugo Chavez. Le gouvernement rétorque toutefois que les médias d’opposition manipulent cette affaire pour attaquer le président avant les élections législatives du 26 septembre.

La saga de Brito a débuté en 2003, lorsque le fermier a accusé ses voisins d’avoir saisi illégalement ses parcelles, avec l’autorisation de l’Institut national des terres (Instituto Nacional de Tierras, INTI). Selon Brito, on l’aurait "puni" des allégations de corruption qu’il avait proféré à l’encontre du maire de la ville voisine de Sucre.

Pour récupérer ses terres, Brito a fait plusieurs grèves de la faim à Caracas. Il a été emmené de force à l’hôpital militaire de Caracas en décembre 2009 et n’en était pas sorti depuis. Il s’était toutefois remis en grève de la faim à plusieurs reprise et est finalement mort le 30 août dernier.

L'appel de Franklin Brito après 120 jours de grève de la faim devant le quartier général devant l'Organisation of American States (OAS) à Caracas. Le 5 novembre 2009.

"Le combat de Brito continue… Il a délaissé sa forme humaine pour devenir le symbole de tous ceux opprimés par l’arrogance du pouvoir", a déclaré sa famille dans un communiqué. Le gouvernement vénézuélien accuse lui les médias et l’Eglise catholique d’avoir encouragé l’homme à poursuivre sa grève de la faim dans le seul but "d’avoir un mort sur leurs sales banderoles". Le vice-président vénézuélien Elias Jaua a quant à lui ajouté que la plainte du fermier n’avait pas de fondement juridique et que le gouvernement avait parfaitement respecté les limites de sa propriété lors de l’octroi des terres à d’autres agriculteurs.

Message de Franklin Brito au peuple du Venezuela

Brito a enregistré ce message en novembre 2009 : "Je veux que les Vénézueliens [...] sachent que je ne fais pas cette grève pour des motifs matériels. Je le fais pour la dignité et la justice, parce que ce sont des valeurs dans lesquelles je crois profondément."

"Le sacrifice qu’il a fait est complètement disproportionné"

Fabiana Benaim Mendoza est avocate à Caracas. Elle soutient l’opposition.

« L’histoire de Franklin Brito est une histoire d’expropriation parmi tant d’autres au Venezuela – c’est pourquoi cela a touché tellement de gens. De nos jours, les droits de la propriété au Venezuela sont fragiles. Vous possédez quelque chose un jour, et le jour suivant il y a une nouvelle loi, et soudain, vous êtes dépouillé de votre propriété. Ce n’est pas impossible qu’il y ait des histoires de corruption derrière la décision de l’Institut national des terres de donner les terres de Brito à d’autres agriculteurs. Même sans corruption, ce genre d’histoires arrive tout le temps. Tout ce que les autorités ont à faire, c’est dire qu’une parcelle de terre n’est pas fertile, et selon les lois en vigueur, l’Etat est habilité à la saisir.

Beaucoup de gens voient Brito comme un héros, mais honnêtement, moi pas. Je ne comprends pas que quelqu’un prive sa famille d’un mari et d’un père pour une question de terres. Le sacrifice qu’il a fait est disproportionné ; cela n’a rien apporté, ni à lui, ni au pays. En tant qu’avocate, si je me retrouvais dans la même situation, je chercherais un autre moyen de me rendre justice. Je ne pense pas que cela changera quoi que ce soit aux élections qui arrivent."

Franklin Brito en grève en face du quartier général de l'OAS à Caracas. Photo postée sur Flickr par Alex Rosales.

Photo postée sur Flickr par Alex Rosales

Brito sur son lit à l'hôpital militaire de Caracas en juillet 2010. Photo postée sur le groupe Facebook Franklin Brito.

"Ce qui a commencé comme une querelle de voisinage est devenu un symbole politique et médiatique"

Juliana Boersner est psychologue à Caracas. Elle soutient Hugo Chavez.

L’histoire tragique de Franklin Brito est devenue une nouvelle polémique engendrant des débats houleux au Venezuela. Un camp affirme que les revendications de Brito ont été froidement ignorées par les autorités, même si sa vie était en danger. L’autre camp (le gouvernement et ses partisans) assure que son droit de propriété n’a pas été violé et qu’il y a des documents pour le prouver. A ce que je sache, le problème de Brito était une querelle de voisinage à propos d’un terrain inoccupé et non pas une expropriation émanant du gouvernement.

Je ne sais pas pourquoi il est allé aussi loin dans ses grèves de la faim. J’imagine qu’à un moment, ce qui était une simple querelle de voisinage s’est transformée en un symbole politique et médiatique. Brito peut avoir subi des pressions pour ne pas abandonner sa grève à cause de l’énorme attention médiatique autour de sa protestation. Cela dit, je trouve que sa mort est très regrettable. Bien entendu, j’aurais préféré que cette triste histoire ne finisse pas de cette manière."