PORTUGAL

Lisbonne à l'abandon

Le cœur de Lisbonne est vieillissant. Non seulement la ville est délabrée, mais les Portugais la fuient, échaudés par les loyers trop élevés.

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Photos postées sur le site "Lisboa Abandonada".

Le cœur de Lisbonne est vieillissant. Non seulement la ville est délabrée, mais les Portugais la fuient, échaudés par les loyers trop élevés.

Selon une étude menée en 2008, sur les 55 000 bâtiments que compte la ville de Lisbonne, 4 000 d’entre eux seraient abandonnés. On les retrouve en grand nombre dans le centre historique de la ville, dans les quartiers de Chiado, Baixa, Alfama ou encore Alcantara. Un article paru dans El País soutient que 100 000 personnes auraient ainsi délaissé la ville dans les 30 dernières années. C’est une "situation quasi unique en Europe, comparable seulement à Oslo", note le géographe Joao Seixas, cité par le quotidien espagnol.

"Dans les quartiers historiques, on peut parler de ville fantôme la nuit"

Mark Fonseca Rendeiro est luso-américain, et se rend régulièrement à Lisbonne depuis son enfance. Il tient le site Citizen Reporter.

À chaque pâté de maisons de Lisbonne, on peut voir un bâtiment, souvent à caractère historique, avec la porte et les fenêtres murées. Les murs s’effritent, de l’herbe pousse sur les toits. J’ai un couple d’amis qui vit dans le quartier du Baixa : cela fait dix ans que l’hôtel en face de chez eux est abandonné. La ville est allée assez loin dans ce quartier : ils ont rénové la façade des immeubles juste pour faire croire qu’ils sont utilisés.

La journée, la ville est remplie de touristes, et de gens qui travaillent. Mais à partir de 19 heures, ces gens-là rentrent dans la banlieue de Lisbonne. Dans les quartiers historiques, on peut parler de ville fantôme la nuit. Les immeubles utilisés la journée ferment leurs portes et il ne reste que les maisons abandonnées : il n’y a personne dans les rues, ce qui rend le climat propice aux agressions et aux vols.

Si les gens désertent, c’est que les immeubles, du moins ceux qui sont habitables, sont très chers. Les loyers sont en général trois fois plus chers que les cités avoisinantes, ils sont comparables aux prix de Bruxelles ou de Amsterdam. Sinon, on trouve des immeubles en piteux état, mais ceux-là personne ne veut les louer.

Les propriétaires se disent victimes, car certaines zones de Lisbonne ont connu des gels de loyer après la Révolution de 1974. Ils ne gagnent donc pas beaucoup d’argent car on trouve des loyers aussi peu élevés que 30 ou 40 euros par mois dans les quartiers de Bica et Alfama. Ils ne peuvent donc pas affronter les coûts d’une réhabilitation. Même si cette loi n'est plus en vigueur, on trouve toujours beaucoup d’immeubles croulants avec des gens qui y vivent, et c’est dangereux.

Cela n’aide pas non plus que le coût de la vie à Lisbonne puisse être équivalent aux autres capitales européennes, tandis que les salaires sont bien plus bas, les retraites sont aussi très basses. Des entreprises privées achètent les immeubles décrépis, les rénovent et les relouent à prix d’or. Certains restent en vente éternellement, d’autres sont achetés par des gens riches. Il y a des tas de jolies maisons à Lisbonne avec des caméras, un garage, des portes blindées. On peut aussi parler d’une certaine mentalité culturelle. Je connais des gens ici qui ont un appartement en ruines au centre de Lisbonne, mais qui économisent pour se payer une maison à la plage. Ils se plaignent de la vétusté de leur habitat, mais de toute façon, ils ne sont jamais chez eux.

Je me demande à quel point la ville doit se dégrader avant que les gens ne se révoltent et réagissent."

Un bâtiment délabré. Ironie du sort, il se trouve dans la rue "des amis de Lisbonne".

 

 

Photos postées sur le site "Lisboa Abandonada".