"Fermé pour cause de ramadan"
Le ramadan a tout juste débuté et pour certains, la même question revient chaque année : a-t-on raison d’ouvrir ou pas les cafés et les restaurants dans les pays arabo-musulmans durant ce mois ? Lire la suite…
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Échoppes fermées à Marrakech durant le ramadan. Photo publiée sur Flickr par Sundownr01 en Octobre 2006.
Le ramadan a tout juste débuté et pour certains, la même question revient chaque année : a-t-on raison d’ouvrir ou pas les cafés et les restaurants dans les pays arabo-musulmans durant ce mois ?
Si certains trouvent la question déplacée dans des sociétés culturellement musulmanes, d’autres sont plutôt favorables à ce genre d’initiatives car "tout le monde n’est pas obligé de jeûner". Il faut dire que le débat a été relancé par les médias après que quelques membres du mouvement minoritaire MALI (Mouvement alternatif pour les libertés individuelles) au Maroc ont tenté d’organiser un pique-nique dans une forêt en plein ramadan l’année dernière. Une initiative que beaucoup ont jugée inutilement provocatrice, et qui a été réprimée par la loi. Nos Observateurs nous donnent leur sentiment sur cette question.
Enseigne du Mac Donald's au Maroc pendant le ramadan.Photo publiée par Abderrahim sur L'Islam en France le 10 août 2010.
À Tunis, certains cafés ne ferment pas pendant le ramadan, mais couvrent leurs vitrines de journaux ou de rideaux, par respect pour la majorité qui jeûne.
Café du Colisée dans le centre-ville de Tunis. Les deux photos nous ont été envoyées par Sofiene Chourabi de Tunis.
"Il nous faut intégrer la culture de la différence, même s’il ne s’agit que d’une minorité "
Najib Chaouki est un bloggeur marocain qui soutient l’initiative du groupe MALI.
Au Maroc, même si vous entrez dans un restaurant ou un café, le propriétaire du lieu n’a pas le droit de vous servir à moins que vous soyez non-musulman, selon l’article 222 du Code pénal.
Pour ce qui est du pique-nique de l’année dernière, que beaucoup qualifient de "provocation", il ne s’agissait pour nous que d’un plaidoyer en faveur d’une ouverture du dialogue pour la suppression de cette loi. Ce texte n’est même pas en concordance avec les traités internationaux ratifiés par le Maroc. De plus, les restaurants et les cafés sont des endroits réservés aux personnes qui veulent manger ou boire, je ne vois pas ce qu’une personne qui jeûne irait faire là-dedans. Cela ne devrait donc gêner la sensibilité de personne.
Cette liberté existe dans des pays comme la Tunisie ou la Syrie. En Turquie, les gens se sont habitués à ce que les terrasses des cafés soient ouvertes à tous pendant le ramadan, bien que le pays soit dirigé par un parti qui se revendique comme musulman-sunnite. Il nous faut intégrer la culture de la différence, même s’il ne s’agit que d’une minorité."
"C’est davantage une question culturelle"
Abdul Monem Mahmoud est un journaliste et bloggeur égyptien.
En Égypte, les grandes enseignes et les chaînes mondiales de restauration ne changent rien à leurs habitudes et sont toujours ouvertes, quelle que soit l’époque. Les étrangers, les non-musulmans ainsi que certaines personnes ne jeûnent pas pour cause de maladie par exemple, sans parler des enfants. Ce sont plutôt les restaurants et les cafés de la ville qui baissent leurs rideaux, pour ouvrir essentiellement en soirée. On a aussi quelques rares cafés qui vont mettre des rideaux ou entrebâiller leurs portes, tout en continuant à accueillir des clients. C’est par exemple le cas du Café Al Hourriya au Caire où se réunissent en général des militants de gauche, même pendant le ramadan. Mais la plupart d'entre eux ferment boutique.
La question n’est pas juste liée aux croyances religieuses, c’est davantage une question culturelle. Je connais par exemple des personnes non-pratiquantes qui n’apprécieraient pas de voir quelqu’un manger ou boire devant eux. Elles y voient un manque de respect. De même, les coptes ici respectent ceux qui jeûnent pendant le ramadan et font l’effort de ne pas manger ou fumer sur la voie publique.
Pour ma part, voir quelqu’un manger sur la voie publique ne me mettrait pas dans tous mes états, mais je trouve que c’est un acte de provocation gratuit et stupide. Le jeûne, tout comme la question religieuse, reste une affaire personnelle. Ces pratiques sont simplement liées à des questions de vie en communauté où l’on doit respecter un minimum l’autre. C’est pour ça aussi que je ne vois pas l’intérêt d’une loi qui viendrait statuer là-dessus : un décret existe officiellement en Égypte, mais il n’est pas appliqué. La société se régule d’elle-même."