Le défilé de soldats d'Afrique francophone sur les Champs-Élysées vue d'Afrique
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À l'occasion du 50e anniversaire de leur indépendance, 14 anciennes colonies de la France ont été conviées à prendre part aux festivités du 14-Juillet à Paris. Une invitation qui suscite la polémique. Lire les réactions de nos Observateurs en Afrique...
Tirailleurs sénégalais partant en colonne pour aller combattre en Europe. Archives nationales du Sénégal. Image postée ici.
À l'occasion du 50e anniversaire de leur indépendance, 14 anciennes colonies de la France ont été conviées à prendre part aux festivités du 14-Juillet à Paris. Une invitation qui suscite la polémique.
Des détachements de 13 pays africains (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République centrafricaine, Congo-Brazzaville, Gabon, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad et Togo) ouvriront le défilé du 14-Juillet, jour de la Fête nationale française, sur l'avenue parisienne des Champs-Élysées.
L'ambassadeur de Côte d'Ivoire à Paris a fait savoir que les forces armées de son pays ne participeront pas à ce défilé. Un profond contentieux existe entre la France et la Côte d'Ivoire depuis le début de la rébellion en septembre 2002.
Selon Hubert Falco, le Secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens combattants, ces invitations doivent inaugurer ‘'un cycle d'hommage aux anciens combattants africains''. Nous avons demandé à nos Observateurs ce qu'ils en pensaient. N'hésitez pas vous aussi à commenter ce billet.
"Vu du Cameroun, c'est le 'roi Sarkozy qui convoque ses sujets'"
Mohamadou Houmfa est journaliste à Yaoundé, au Cameroun.
C'est positif, c'est le signe que le Cameroun entretient de bonnes relations avec la France. Il arrive aussi qu'au Cameroun nous invitions des détachements de pays voisins lors d'événements nationaux, c'est le signe que nous souhaitons continuer à coopérer avec eux.
Ce qui est étrange, c'est d'avoir invité autant de pays en même temps. Comme l'a écrit un journal local ce matin, c'est le ‘roi Sarkozy qui convoque ses sujets'. Et on en vient forcément à se dire que la Françafrique n'a pas disparu, contrairement à ce qu'avait promis Sarkozy au début de son mandat. Les arrières-pensées sont encore très présentes dans les relations entre la France et ses anciennes colonies.
Mais d'un point de vue symbolique, c'est très important. Nous devons faire table rase du passé. Et pour ce faire nous attendons que le président Sarkozy reconnaisse dans son discours les atrocités de la colonisation. J'espère aussi que ce nouveau départ pourra nous permettre d'être plus indépendants dans notre prise de décision, que nous puissions enfin choisir de collaborer avec les Chinois par exemple, ou que nous puissions contrôler notre propre monnaie.''
"Certaines personnes voient cette invitation comme une occasion de tenter sa chance en France''
Ibrahim Diaby travaille dans le commerce à Brazzaville, en République du Congo.
La France n'avait pas le choix, à partir du moment où elle décidait d'inviter certaines armées de ses anciennes colonies, elle ne pouvait pas ne pas inviter celle du Congo-Brazzaville. Mais l'armée congolaise n'est pas du tout représentative de notre pays et c'est loin d'être un modèle en Afrique. Les seules armées qui auraient vraiment mérité d'y aller sont celles du Bénin, du Sénégal et du Mali. Les seules qui ne se mêlent pas du politique.
Au Congo-Brazzaville, on dit que l'armée est remplie de ‘détritus des guerres civiles de 1993 et 1997'. Imaginez quand même que dans cette armée, il y a plus de colonels que de caporaux ! Les plus hauts gradés profitent de leur position pour placer leurs frères ou leurs cousins. Tout est basé sur le favoritisme. J'ai un ami dont le frère est parti en France pour participer au défilé et il est persuadé que son frère ne reviendra pas. Certaines personnes voient cette invitation comme une occasion de tenter sa chance en France. Il n'y a rien d'étonnant à cela, il se passe la même chose quand les équipes nationales partent jouer à l'étranger !''
"Ce qui est désolant c'est le manque de réciprocité"
Bertrand Kpogo, 31 ans, est administrateur informatique à Cotonou au Bénin.
Je ne dirai pas que c'est un honneur, mais c'est une très bonne chose pour notre armée d'être inviter et de défiler sur les Champs-Élysées. Participer aux festivités du 14 juillet, c'est le signe que la France veut renforcer la coopération avec le Bénin et c'est aussi la preuve que notre armée est bien considérée à l'étranger et nous en sommes heureux car elle est très appréciée ici aussi. Et le fait que des femmes soldats défilent est bien la preuve de la qualité de notre corps militaire.
Mais ce qui est désolant c'est le manque de réciprocité. Je ne crois pas que Nicolas Sarkozy viendra le 1er Août fêter les 50 ans d'indépendance du Bénin. Et vu sous cet angle, on ne peut qu'avoir l'impression que les présidents africains font allégeance à la France et que l'impérialisme reste le maître mot des relations entre la France et l'Afrique."