LIBAN

Il faut sauver les maisons traditionnelles de Beyrouth !

La guerre a déjà détruit la plupart des vieux bâtiments de la capitale libanaise. Aujourd’hui, elle risque de perdre ses dernières maisons traditionnelles à cause d’un nouvel ennemi : les agents immobiliers.

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Une maison traditionnelle démolie au milieu d'immeubles modernes à Beyrouth. Photo prise par Elias Arayess publiée sur la page Facebook du groupe Save Beirut Heritage.

La guerre a déjà détruit la plupart des vieux bâtiments de la capitale libanaise. Aujourd’hui, celle-ci risque de perdre ses dernières maisons traditionnelles à cause d’un nouvel ennemi : les agents immobiliers.

Dans les rues de Beyrouth, chaque jour voit son lot de démolition du patrimoine architectural. D’anciennes demeures sont rasées pour construire des parking ou des immeubles flambants neufs.

En 1995, le ministre de la Culture, Michel Eddé, avait gelé la démolition de 1016 demeures beyrouthines sur les recommandations de l’Association pour la protection des sites et anciennes demeures au Liban. Mais cette décision ministérielle a eu l’effet inverse de celui espéré. De nombreux propriétaires, qui craignent l’extension de ce programme de protection du gouvernement, s’empressent depuis lors de raser leurs maisons pour vendre leur terrain à des promoteurs immobiliers.

De nouvelles études, menées cette fois par des organes gouvernementaux, ont fait baisser le nombre de bâtiments protégés. En 1997, ces derniers n’étaient plus que 520. Un an plus tard, il a été finalement décidé que seuls 209 bâtiments, au lieu des 1016 initialement listés, ne pourraient être détruits.

En 2007, le gouvernement libanais a proposé au Parlement un projet de loi pour sauvegarder les bâtiments anciens, mais le projet est resté dans les tiroirs. Le 1er juillet dernier, une campagne médiatique a toutefois été lancée par plusieurs associations de la société civile afin de faire appliquer les lois de protection du patrimoine immobilier et de sensibiliser les Libanais à sa disparition.

Photo prise par notre Observatrice Maha Awada, à la fin du mois de juin, dans le quartier de Zkak el-Blat, à Beyrouth.

Anciennes demeures restaurées

Une maison restaurée dans un quartier de Beyrouth. Photo prise par Maha Awada. 

Photo prise par May Haider à Saifi, l'un des quartiers rénovés de Beyrouth, publiée sur la  page Facebook du groupe Save Beirut Heritage.

Photo prise par Mahmoud Safadi, publiée sur la page Facebook du groupe Save Beirut Heritage.

Photo prise par Gabriella Romanos, publiée sur la page Facebook du groupe Save Beirut Heritage.

Entre délabrement et modernité

Photo prise par Joe Challita dans le quartier de Mar Michaël, à Beyrouth, publiée sur la page Facebook du groupe Save Beirut Heritage.

Une maison traditionnelle à trois arcades dans un état délabré. Photo prise par notre Observatrice Maha Awada, en juin dernier, dans le quartier de Zkak el-Blat, à Beyrouth.

Immeuble délabré datant de l'époque du mandat français (1920-1943). Photo prise par Alik Ohanian dans le quartier Zkak el-Blat, à Beyrouth, publiée sur la page Facebook du groupe Save Beirut Heritage.

Une maison traditionnelle mitoyenne d'un immeuble moderne, à Beyrouth. Photo prise par Maha Awada.

Photo prise par Lars Seiler rue de Damas, à Beyrouth, publiée sur la page Facebook du groupe Save Beirut Heritage.

"Notre patrimoine architectural a été transformé en de simples 'propriétés à vendre'"

Maha Awada, 28 ans, vit à Beyrouth. Elle travaille dans une compagnie de fret maritime et témoigne des opérations de démolition en cours dans son quartier.

Le cœur des passants se serre à la vue des opérations de démolition à Beyrouth. Les bulldozers rasent au quotidien des maisons traditionnelles dans différents quartiers de la capitale.

Non loin de chez moi se trouve le quartier de Zkak el-Blat. En y passant il y a quelques jours, j’ai pu admirer ce qui reste de ses joyaux architecturaux. Dans ce quartier, plusieurs familles de la bourgeoisie beyrouthine avaient en effet construit de somptueuses villas. De grands écrivains et poètes y avaient également élu domicile à l'instar de Fayrouz, la diva de la chanson libanaise.

Dans l’étude menée en 1995, 94 demeures avaient été protégées de la destruction à Zkak el-Blat. Mais ce chiffre a diminué de plus de moitié en 1998. Seuls 40 immeubles bénéficient désormais d’une hypothétique protection même si, dans les faits, quatre d'entre eux ont déjà été rasés.

Aujourd’hui, la grande majorité des maisons traditionnelles du quartier sont abandonnées, souvent en raison de litiges entre les héritiers. Plusieurs d'entre elles sont dans un état de délabrement avancé et attendent d’être démolies. Ces opérations de démolition sont surtout motivées par la rareté des terrains constructibles à Beyrouth et les sommes mirobolantes que leur vente peut rapporter. Voilà comment notre patrimoine architectural a été transformé en de simples 'propriétés à vendre'. Et, cerise sur le gâteau, les acheteurs sont souvent des étrangers."