Un pharmacien se dresse contre les bulldozers chinois
Depuis les années 1990 et l’envol de l’économie chinoise, la modernisation urbaine a été la principale priorité pour le gouvernement. Pour rénover les centres-villes, des milliers de personnes ont été expulsées manu militari de leurs foyers. Mais toutes ne sont pas parties sans se battre.
Publié le : Modifié le :
La pharmacie, détruite en partie. Photo de Roseann Lake.
Depuis les années 1990 et l’envol de l’économie chinoise, la modernisation urbaine a été la principale priorité du gouvernement. Pour rénover les centres-villes, des milliers de personnes ont été expulsées manu militari de leurs foyers. Mais toutes ne sont pas parties sans se battre…
The Urgent Action Working Group, un groupe de pression basé en Chine, a récemment publié un rapport avertissant des risques d’instabilité sociale et de violences si le gouvernement ne trouvait pas rapidement une solution à la colère grandissante du peuple concernant les expulsions et les démolitions.
Ces dernières années, le gouvernement a accéléré son programme d’expulsion car il tenait à donner une bonne image de Shanghai et de Pékin lors des Jeux olympiques et de l'Exposition universelle.
Ce programme de modernisation accélérée n'a cependant pas été reçu chaleureusement par tous les Chinois. Certains habitants, surnommés les dingzihu ou "clous tenaces" (“stubborn nails”), refusent d'abandonner leurs foyers, entraînant de violents affrontements avec les équipes de démolition. Deux personnes se sont immolées l'an dernier et d'autres ont été tuées en tentant d’arrêter les équipes de démolition avec des explosifs artisanaux.
L’espoir en vue ?
Des amendements récemment adoptés à la loi sur l'indemnisation devraient offrir aux citoyens de meilleures chances de percevoir des réparations lorsqu’ils ont été indument expulsés. Ils seront mis en application à partir du 1er décembre prochain. Toutefois, pour l’instant, seul un tiers des 1 531 personnes ayant porté une affaire d'indemnisation devant la Justice a obtenu gain de cause.
Le quartier des artistes du nord de Pékin est visé
Le quartier Beigao, dans la banlieue nord de Pékin, fait actuellement l’objet d’un vaste programme de démolition. C’est une zone située à la lisière entre le centre-ville, en pleine expansion, et le quartier des artistes, Caochangdi, dont le gouvernement semble vouloir se débarrasser.
En avril, les résidents de Caochangdi et Beigao ont reçu des lettres d'expulsion annonçant que le quartier allait être rasé. Il est difficile de savoir ce qui a motivé cette soudaine décision des autorités. Une seule chose est certaine : la démolition a commencé, mais une pharmacie du quartier résiste bec et ongles.
Une expulsion particulièrement violente
La vidéo montre l'expulsion d'un couple de "clous tenaces" sauvés à la dernière minute par leur voisin. Cette scène se passe à Yangqing Town, au nord de Pékin, le 13 avril 2010. Vidéo publiée sur China Hush.
“Autour de nous, tout a été détruit pour nous obliger à partir”
Xiao Chai , 21 ans, vit et travaille dans une pharmacie appartenant à des "clous tenaces".
Nous entendons des rumeurs sur la destruction de notre village depuis un an, mais rien n’avait été officiellement confirmé jusqu’au 30 avril dernier.
La somme que l’État verse en compensation est négociée sur une base individuelle dont nos voisins ont déjà accepté les termes (certains d'entre eux ont même l'intention de se réinstaller dans les nouvelles maisons qui seront construites). Notre pharmacie n'a pas encore accepté, même si tout autour de nous a été détruit pour nous contraindre à partir rapidement.
La démolition des deux immeubles voisins a laissé deux énormes trous dans les murs de la pharmacie.
Photo de Roseann Lake.
Nous n'avons même pas eu de préavis ; ils sont arrivés avec un bulldozer et quelques fonctionnaires. Ils se sont juste assurés qu’il n’y avait plus personne dans le bâtiment. Je ne peux même pas rentrer dans la pharmacie, car c’est trop dangereux, les fondations du bâtiment ont été touchées. Le gouvernement nous a toutefois assuré qu’il nous dédommagerait si notre propriété était endommagée pendant les travaux de démolition autour…"
Il ne reste plus rien autour de la pharmacie. Photo de Roseann Lake.
La pharmacie est le seul bâtiment encore debout. Photo de Roseann Lake.
Un camion transportant des portes qui vont être revendues. À l'arrière, un homme dort. Photo de Roseann Lake.
Camion enlevant les débris. Photo de Roseann Lake.