Achats de voix et intimidations : les dessous de l'élection
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Les Philippins ont élu, ce lundi, la grande majorité de leurs représentants politiques. Selon notre Observateur, un Français vivant à Manille, certains candidats au Congrès, au Sénat et à la présidence ont usé de méthodes peu orthodoxes pour remporter les élections. Comme beaucoup de Philippins, il craint que la victoire ne soit allée au plus offrant. Lire la suite...
Postée sur Flickr par cmtungol.
Les Philippins ont élu, ce lundi, la grande majorité de leurs représentants politiques. Selon notre Observateur, un Français vivant à Manille, certains candidats au Congrès, au Sénat et à la présidence n'ont écarté aucune méthode pour remporter les élections.
Les 50 millions de Philippins inscrits sur les listes électorales étaient attendus aujourd'hui dans 17 600 bureaux de vote. Le scrutin présidentiel s'accompagne d'élections générales aux termes desquelles près de 18 000 représentants seront désignés à tous les niveaux de la vie politique de l'archipel, dont 250 députés et 12 sénateurs.
L'actuelle présidente, Gloria Macapal Arroyo, n'a pas le droit de se représenter à son poste car elle fait l'objet d'une enquête parlementaire pour corruption. Elle est toutefois candidate aux législatives et pourrait même se retrouver à la présidence de la Chambre basse.
Selon des résultats partiels annoncés par la commission électorale, le sénateur Benigno "Noynoy" Aquino, le fils de l'ex-présidente Corazon Aquino qui avait assuré la transition vers la démocratie des Philippines après la dictature de Ferdinand Marcos, arrive en tête de l'élection présidentielle avec plus de 40 % des suffrages. Son principal adversaire, l'ancien président Joseph Estrada, récolterait un peu moins de 26 % des voix.
La campagne a été sanglante dans certaines régions. Une centaine de personnes ont déjà trouvé la mort dans ces incidents liés à ce scrutin, dont quatre personnes ce lundi.
Affiches électorales. Photo : Dominique Lemay
Journée électorale aux Philippines
Postée sur Flickr par Dona.
Des électeurs font la queue dans le Barangay Merville. Postée sir Flickr par Jonas de los Reyes.
Queue devant un bureau de vote à Catbalogan. Postée sur Flickr par juan tan kwon.
Inspection des machines életcroniques. Postée sur Flickr par Mon solo.
Des électeurs cherchent leur nom sur la liste pour savoir avec quelle machine ils doivent voter. Postée sur Flickr par Mon solo.
Chaque électeur a eu le doigt coloré avec une encre indélebile afin d'assurer qu'ils ne votent pas plusieurs fois. Postée sur Flickr par Gino Carteciano.
"Des représentants achètent les voix à l'entrée même du bureau de vote contre 3 ou 4 euros"
Dominique Lemay habite depuis 23 ans à Maniki, dans l'agglomération de Manille. Il est le président de l'association humanitaire d'aide à l'enfance Virlanie. Il a pris des photos de cette journée électorale dans son quartier.
Les Philippins ont eu une journée de congés pour ces élections. La ville est plutôt calme aujourd'hui, les électeurs ont été extrêmement nombreux à faire la queue devant les bureaux de vote.
Dans les grandes villes, cette élection devait utiliser pour la première fois des machines électroniques (Precinct Count Optical Scans). Cette technique de décompte électronique devait éviter les fraudes et les bourrages d'urnes. Mais j'ai entendu dire à la sortie des bureaux que les machines étaient souvent défectueuses. Le fait que ces machines ne marchent pas et que l'on doive repasser à un décompte manuel peut arranger certaines personnes. Des machines ont même été brulées dans certaines provinces.
L'achat de vote n'a pas disparu non plus. Les familles pauvres avec lesquelles je travaille tous les jours m'ont dit qu'elles voteraient pour les candidats qui leur ont donné de l'argent ou de la nourriture. Aux Philippines, les mairies donnent de l'argent aux responsables des 'barangay' (des unités de quartier) qui sont ensuite chargés de redistribuer l'argent. En réalité, au final, le responsable garde une partie pour lui et avec le reste il achète les votes des familles les plus pauvres. Ici, il existe une coutume qui s'appelle "Utang na Loob", le principe de réciprocité : si quelqu'un fait quelque chose pour vous, vous faites quelques chose pour lui. Mes amis philippins m'ont raconté que des représentants achetaient les voix à l'entrée même du bureau de vote contre 3 ou 4 euros.
Aux Philippines, les hommes politiques ne changent pas beaucoup. Au niveau local se sont des dynasties qui gouvernent, les maires sont de la même famille que les députés et que les sénateurs. Et une fois qu'ils ont fait un mandat, ils intervertissent les rôles.
Mais les Philippins ont quand même l'espoir que ça change, c'est aussi pour ça qu'ils se déplacent massivement. Je connais des sénateurs qui ont des principes et qui veulent changer les choses. Je pense malheureusement qu'ils ont peu de chance d'être élus. Car la victoire risque d'aller au plus offrant. Aux Philippines, on va jusqu'à tuer son adversaire pour se faire élire."
Bulletin factice envoyé par le parti de Joseph Estrada aux électeurs, les noms des candidats de son parti ont été indiqué en gras. Photo : Dominique Lemay.