Un militaire américain sur la base d’Okinawa : "Ils sont une minorité à vouloir nous faire partir"
Le Premier ministre japonais a annoncé qu'il ne fermerait pas la base militaire américaine de Futenma, installée sur l'archipel d'Okinawa. Une décision qui fait enrager les "anti-base" de l'île, pour qui la zone militaire représente des nuisances quotidiennes. Un soldat américain d'Okinawa nous raconte cette difficile cohabitation. Lire la suite ...
Publié le : Modifié le :
Le Premier ministre japonais a annoncé qu'il ne fermerait pas la base militaire américaine de Futenma, installée sur l'archipel d'Okinawa. Une décision qui fait enrager les "anti-base" de l'île, pour qui la zone militaire représente des nuisances quotidiennes. Un soldat américain d'Okinawa nous raconte cette difficile cohabitation.
Après la capitulation japonaise qui marque la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis et le Japon signent un accord de sécurité. Le vaincu accepte que les forces américaines conservent leurs bases sur le territoire japonais, à condition qu'elles assurent la sécurité de l'archipel. Aujourd'hui, le Japon dispose d'une armée, mais le traité de coopération et de sécurité avec les États-Unis, révisé en 1960, est toujours en vigueur.
Selon le site Close the Base, l'archipel d'Okinawa, situé au sud du Japon, compte 1 % de la population japonaise, mais accueille 74 % des forces américaines basées dans le pays. Okinawa, c'est 33 installations réservées aux troupes américaines, 29 zones maritimes d'entraînement militaire et de sécurité et une vingtaine de bases aériennes.
Parmi ces bases, celle de Futenma, située au beau milieu de la ville de Ginowan, est particulièrement critiquée par les habitants. À tel point que le Premier ministre Yukio Hatoyama avait promis, lors de sa campagne électorale de septembre, de débarrasser l'île de la base. Avant de finalement déclarer, le 4 mai, être dans l'obligation de la maintenir.
"Voudriez-vous de 30 bases militaires dans votre jardin ?" Campagne anti-base postée sur le site "Close the base".
La base de Futenma, au centre de Ginowan, vue du ciel. Photo : Ginowan City.
Manifestation "anti-base" à Okinawa
Ces photos ont été prises à Ginowan, à proximité de la base de Futenma, lors de la manifestation du 1er mai 2010.
"L'île d'Okinawa est un endroit stratégique pour les États-Unis et pour leur positionnement dans la zone pacifique"
Dan S. (pseudonyme) est membre du corps des Marines à Camp Foster, une base située à proximité de celle de Futenma, sur l'île d'Okinawa.
Les forces militaires japonaises sont très limitées. Par ailleurs, la philosophie du pays est aujourd'hui plutôt pacifiste. Aux États-Unis, tous les officiers de police ont une arme. Ici, c'est une arme pour toute une unité de police, les autres ont des bombes lacrymogènes. Donc je pense que nous pouvons leur être utile. Nous sommes par exemple particulièrement attentifs à ce qui se passe en Corée du Nord.
Mais il est aussi vrai que l'île d'Okinawa est un endroit stratégique pour les États-Unis et pour leur positionnement dans la zone pacifique. Ensuite, la fermeture des bases présentes sur l'île signifierait le déplacement de 30 000 à 40 000 personnes, une tâche énorme qui ne se fait pas du jour au lendemain. Mais il est vrai que les forces militaires dont je fais partie ne sont pas souvent en action. Nous faisons des exercices tous les jours et nous partons régulièrement en stage d'entraînement en Australie, en Thaïlande, etc.
J'ai assisté à la manifestation et j'ai parlé avec les habitants. Ce qui les dérange le plus, ce sont les bruits de décollages et d'atterrissages des avions de chasse en plein milieu de la ville. Un autre argument que je comprends, c'est que la base prend énormément de place, alors que la ville est surpeuplée. Les autorités ont parlé de relocaliser la base dans le nord de l'île, à Henoko. Mais les habitants s'y opposent, car l'endroit proposé est situé sur des fonds marins où vivent des dugongs, un mammifère de la famille des lamantins en voie de disparition.
Globalement, sur l'île, l'opinion est divisée. Certains disent que c'est mieux que nous restions pour des raisons économiques, car en vivant ici [40 000 Américains résident sur l'île, en comptant les familles], nous apportons beaucoup d'argent à la région. Mais d'autres veulent notre départ car ils nous voient comme des monstres. Il est vrai que certains d'entre nous se sont comportés de façon très stupide [la liste des accidents et des agressions perpétrées par des soldats est répertoriée par l'organisation Close the Base] si bien qu'on nous voit maintenant comme des agresseurs de chauffeurs de taxi ou comme des gros buveurs.
Mais ceux qui pensent ça sont minoritaires. Je me balade tous les jours hors de la base et je n'ai jamais entendu personne me dire : "Rentre chez toi". Les médias ont dit que des dizaines de milliers de personnes étaient venues manifester le 1er mai, mais je pense qu'ils n'étaient pas plus de 6 000 ou 7 000."