VIETNAM

La nouvelle école française de Saigon avec vue sur terrain d'exécution

Une déchetterie sauvage à ciel ouvert, une zone industrielle polluée, un terrain d'exécution de prisonniers, tel est le cadre de la future école française Colette à Hô-Chi-Minh-Ville (ancien Saigon). Les parents d'élèves, outrés, tentent depuis des années d'obtenir un assainissement du site. En vain. Lire la suite...

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Une déchetterie sauvage à ciel ouvert, une zone industrielle polluée, un terrain d'exécution de prisonniers, tel est le cadre de la future école française Colette à Hô-Chi-Minh-Ville (ancien Saigon). Les parents d'élèves, outrés, tentent depuis des années d'obtenir un assainissement du site. En vain.

Les autorités françaises ont essayé de calmer l'inquiétude des parents en affirmant que le terrain d'exécution serait déplacé et les briqueteries les plus proches de l'école fermées. La présidente de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Anne-Marie Descôtes, a fait une déclaration sur RFI, le 3 août 2009, assurant que le déménagement n'aurait pas lieu avant que le site ne soit pas assaini. Même le Premier ministre français, François Fillon, a affirmé, lors d'un déplacement à Hô-Chi-Minh-Ville, en décembre 2009, que le gouvernement était "sur la voie d'une résolution de ce souci, très légitime, et que l'ensemble des objections qui ont été émises [trouveraient], grâce à l'engagement des autorités locales, les solutions" attendues. Pourtant, lors d'une journée portes ouvertes sur le nouveau site en mars 2010, les familles ont pu constater que rien n'avait changé depuis l'annonce de la construction de l'école il y a quatre ans. 

L'association des parents d'élèves reproche à l'administration française d'avoir signé un bail avec les autorités vietnamiennes sans prévoir une clause, pourtant habituelle, visant à garantir que le site soit propre à l'implantation d'une école. Alors que la rentrée dans les nouveaux locaux est prévue pour septembre 2010, ils craignent que leurs enfants doivent rester des mois, voire des années, dans un environnement malsain, avant que les choses ne bougent.

Film de l'APE de l'école française Colette sur l'état des nuisances environmentales en mars 2010

"Les poteaux d'exécution et les tombes sont visibles depuis les salles de classe"

Laure Letinois est graphiste à Hô-Chi-Minh-Ville. Elle est la mère d'un enfant de 10 ans, scolarisé depuis quatre ans à l'école française Colette.

En mai 2006, les autorités nous ont annoncé que le nouvel  établissement scolaire français, allant de la maternelle à la terminale, serait situé dans le quartier industriel de District 9, dans la banlieue de Hô-Chi-Minh-Ville.

Carte du site du lycée. 

Le terrain est situé au milieu de centaines de briqueteries artisanales qui brûlent, entre autres, des rebuts et déchets industriels nocifs. Un bureau d'études français a été mandaté pour évaluer le niveau de pollution du site, mais nous n'avons toujours pas reçu ses conclusions [aucune étude réalisée dans cette zone n'a encore confirmé la dangerosité de l'air ambiant]. Qui plus est, l'école, qui se trouve à 25 kilomètres du centre-ville, n'est accessible que par l'une des routes les plus meurtrières du Vietnam.

Mais le pire pour moi, c'est le terrain d'exécution à proximité immédiate de l'école. Les poteaux d'exécution et les tombes des prisonniers exécutés sont visibles depuis les salles de classe. Je n'imagine pas une seule seconde que nos enfants puissent être scolarisés dans un environnement pareil.

Cimetière des condamnés à mort. L'école est le bâtiment blanc à l'arrière plan.

Poteau d'exécution, criblé de marques de balles.

Même si les exécutions ont lieu à l'aube, a priori avant l'arrivée des élèves, aucune clôture ne sépare l'école du terrain. Les enfants auront libre accès au site qui est jonché de douilles, et où les bourreaux laissent parfois derrière eux des gants maculés de sang.

Des fumées pestilentielles s'élèvent en permanence de la décharge sauvage de 20 hectares qui entoure le terrain. Des déchets de toutes sortes, parfois toxiques, jonchent le sol des chemins à proximité de l'école.

En plus, nous avons remarqué, lors de la journée portes ouvertes, que le système d'évacuation des eaux usées du lycée est bouché car il a été détourné par un restaurant voisin, pour sa réserve de poissons. En cas de fortes pluies, on risque une vraie montée des eaux.

Une fumée noire s'élève des briqueteries artisanales qui entourent l'école. (Toutes les photos ont été envoyées par l'APE de l'école française Colette).

Malgré nos alertes répétées auprès de toutes les autorités compétentes (l'AEFE, le consulat et l'ambassade de France, le ministère des Affaires étrangères), la situation ne s'est en rien améliorée depuis quatre ans. Le terrain d'exécution est visiblement en activité, les briqueteries fument toujours autant.

L'APE a effectué un sondage auprès de tous les parents après la journée portes ouvertes : 78 % des parents sont opposés à un déménagement dans les nouveaux locaux dans ces conditions. En guise de réponse, les familles ont reçu une lettre du consul de France, en avril, les "invitant" à confirmer la réinscription de leur enfant pour la rentrée prochaine avant le 6 mai, faute de quoi ce dernier serait exclu de l'établissement. C'est du chantage honteux. Il faut savoir que 30 % des élèves de l'école sont boursiers, ils n'ont donc pas d'autre alternative que l'école française publique. Seules les familles plus aisées peuvent se tourner vers des écoles privées."