Les émeutes de Karachi "trop bien organisées" pour être spontanées
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Un attentat meurtrier a touché lundi une procession chiite dans la ville de Karachi, au Pakistan. L'attentat a déclenché une émeute dans tout un quartier si bien que ses habitants ont immédiatement pensé qu'il s'agissait de la vengeance des pèlerins chiites. Sur place, nos Observateurs affirment pourtant que la vague de violence qui a suivi l'explosion était trop bien organisée pour être spontanée. Lire la suite...
Photo: Waheed Zuberi, sur Flickr.
Un attentat meurtrier a touché lundi une procession chiite dans la ville de Karachi, au Pakistan. L'attentat a déclenché une émeute dans tout un quartier si bien que ses habitants ont immédiatement pensé qu'il s'agissait de la vengeance des pèlerins chiites. Sur place, nos Observateurs affirment pourtant que la vague de violence qui a suivi l'explosion était trop bien organisée pour être spontanée.
La procession de l'Achoura, une commémoration religieuse célébrée le 10e jour du mois saint de Muharram, est l'un des événements les plus importants du calendrier pour les musulmans chiites. Au Pakistan, où les chiites ne constituent qu'une minorité, sa célébration est souvent émaillée de violence.
Cette année, des bombes ont explosé les 8e, 9e et 10e jour de Muharram. Les trois attentats ont été revendiqués par les Taliban. Lors du dernier, qui fut aussi le plus meurtrier, un jeune kamikaze s'est fait exploser au milieu de la procession chiite, tuant 43 personnes et faisant plus de 60 blessés. Le jeune homme a été identifié grâce aux caméras de vidéosurveillance. Mais les autorités recherchent toujours ceux qui, immédiatement après l'explosion, ont mis le feu à 500 immeubles, vandalisé les véhicules des autorités et saccagé trois marchés.
L'ancienne place du marché, incendiée après les émeutes. Photos prises mardi par Huma Imtiaz et postées sur Flickr.
D'autres photos des dégâts
Photos par Musti Mohsin sur Facebook.
"J'ai vu les [chiites] plus âgés calmer les jeunes et ceux-ci ont obéi"
Ces images ont été filmées par Nadeem Zaidi, juste après l'explosion. Malgré l'attaque, les pèlerins poursuivent la procession.
C'est vrai que les chiites étaient en colère, mais je ne crois pas qu'ils étaient impliqués dans les émeutes qui ont suivi l'explosion. J'ai vu les plus âgés calmer les jeunes et ceux-ci ont obéi. Ils ont arrêté de crier sur la police et repris la procession."
Voir d'autres images filmées par Nadeem après l'attaque sur sa chaîne YouTube.
"Ils veulent faire de Karachi le théâtre de nouvelles violences religieuses"
Faisal Kapadia tient une entreprise de produits chimiques à 500 mètres du lieu de l'attentat.
Mon bureau n'a pas été touché, mais ce que j'ai vu était effrayant... Les bâtiments ont été entièrement brûlés sur deux pâtés de maisons.
Je ne crois pas une seconde que la foule ait pu faire une chose pareille. Il est quasiment impossible, d'un point de vue logistique, de mettre le feu à autant d'endroits simultanément sans l'avoir planifié à l'avance. C'est comme si 20 bâtiments différents s'étaient enflammés en même temps, immédiatement après l'explosion. Certains dégâts peuvent être attribués à la foule (les panneaux ou les feux cassés), mais je ne pense pas que cette gigantesque opération incendiaire puisse être le fait des pèlerins chiites.
C'est vrai, depuis les années 1980, la ville a été le terrain de violences religieuses entre chiites et sunnites. Mais ceux qui ont mis à sac ce quartier ont dû faire cela dans le cadre d'une stratégie plus large. Ils veulent faire de Karachi le théâtre de nouvelles violences alors que la ville est relativement calme depuis l'assassinat de Benazir Bhutto. Peut-être que les Taliban sont impliqués ; je pense qu'ils ont intérêt à ce que la plus grande ville du Pakistan tombe dans l'anarchie, que le gouvernement soit déstabilisé et que cela crée un vide au sein du pouvoir qu'ils pourraient ensuite combler. N'oublions pas que l'objectif du jihad, au Pakistan, est la mise en place d'un régime totalitaire dirigé par les Taliban.
Actuellement, la situation est la même qu'au lendemain de l'assassinat de Benazir Bhutto, en décembre 2007. La ville a été mise à feu et à sang et, pourtant, personne n'a depuis été jugé pour ces violences. Nous espérons que, cette fois-ci, on retrouvera les coupables."