Des opposants arrêtés pour avoir "manqué de respect" à l'ayatollah Khomeini, un coup monté ?

Plusieurs membres de l'opposition iranienne ont été accusés par la télévision d'État d'avoir porté atteinte à l'ayatollah Ruhollah Khomeini, le vénéré père fondateur de la République islamique d'Iran, en dégradant des affiches qui le représentaient. Du côté de l'opposition, on affirme que les images ont été truquées dans le but de jeter le discrédit sur le mouvement de protestation.

L'imam Khomeini est un personnage si vénéré en Iran que le simple fait d'être suspecté d'avoir manqué de respect à son nom ou à son image est considéré comme un délit grave. La télévision d'État iranienne Channel 2 a diffusé, le 7 décembre dernier, un reportage sur les manifestations estudiantines. Au milieu des images des rassemblements, un plan sur lequel on aperçoit une affiche de Komeini en lambeaux a été inséré. Aussitôt après, des sites de bassidjis et des médias soutenant le pouvoir ont fait circuler des séquences sur lesquelles des mains, non identifiées, mettent le feu à un portrait de Khomeini. Des images qui ont déclenché la colère des citoyens acquis à la cause du régime...

Pourtant l'opposition affirme que ces deux vidéos ont été montées de toutes pièces afin de démontrer que le "mouvement vert" cherche à remettre en cause la Révolution islamique de 1979 - une intention que ni Mir Hossein Moussavi, ni Mehdi Karroubi, les deux principautés opposants au président Mahmoud Ahmadinejad, ne reconnaissent. Selon eux, ces gestes insultants envers Khomeini sont simplement un moyen pour les autorités de justifier les arrestations d'opposants. 

Moussavi, qui fut un temps le protégé de Khomeini et le Premier ministre de l'Iran entre 1980 et 1988, lors de la guerre contre l'Irak, a fermement condamné tout acte visant à dégrader l'image de l'ancien leader tout en affirmant que le gouvernement est responsable de ces provocations. "Si les gens avaient des réponses à leurs questions et s'ils n'étaient pas violemment menacés, on ne verrait pas de gestes aussi controversés", a-t-il déclaré, selon le site d'opposition rahesabz.net. Lui et Karroubi ont appelé à de nouvelles manifestations contre le pouvoir après l'annonce, lundi, de l'arrestation des présumés profanateurs des affiches de Khomeini. 

"Ces provocations du gouvernement contribuent à la radicalisation des actions de l'opposition"

Alireza est artiste et journaliste à Téhéran.

Il est évident que ce reportage diffusé par le gouvernement comme preuve du fait que l'opposition a déchiré les affiches de l'imam Khomeini le 7 décembre a été fabriqué : l'image de l'affiche déchirée a l'air de sortir de nulle part, on a l'impression que la scène a été filmée dans une chambre ou dans une cour alors que tout le reste du reportage a été filmé dans la rue.

Ce n'est pas surprenant que le gouvernement utilise de fausses images pour faire de la propagande - il le fait très souvent, on est habitué. Il utilise ces méthodes en désespoir de cause parce qu'il ne contrôle ni le 'mouvement vert', ni le soulèvement étudiant, et qu'il arrive de moins en moins à asseoir sa légitimité. Ce qui est plus inquiétant c'est que le procureur de Téhéran, quand il a annoncé l'arrestation, a dit qu'il 'avait été prouvé' que ces personnes avaient déchiré des affiches ou qu'elles 'avaient avoué'. Pour moi comme pour toute l'opposition, il est parfaitement clair que le gouvernement a présélectionné des individus et qu'il essaiera de leur faire 'avouer' des fautes qu'ils n'ont pas commises.

Moussavi était l'un des ministres en qui Khomeini avait le plus confiance. Il n'y a aucune chance qu'il soit derrière ces actes de désacralisation de l'image de l'ancien guide suprême. Il a été très clair : il condamne tout acte qui ne respecterait pas la République islamique mais, en même temps, il sait parfaitement que ces provocations du gouvernement contribuent à la radicalisation des actions de l'opposition. Déjà, des membres du 'mouvement vert' insultent ouvertement le successeur de Khomeini, l'ayatollah Ali Khamenei, qui perd peu à peu sa légitimité. Peut-être que Khomeini est le prochain sur la liste."

Les deux vidéos "prouvant" que l’opposition a publiquement insulté Khomeini

Le 7 décembre, la télévision d’État iranienne Channel 2 diffuse ce reportage sur lequel on aperçoit très rapidement des morceaux d’affiche de Khomeini. Postée sur Irannegah.com.

La vidéo des prétendus manifestants en train de brûler le portrait de Khomeini a été postée sur ce site de bassidjis. Bien qu’aucun visage ne soit reconnaissable sur ces images, elles sont considérées comme la preuve que les membres du "mouvement vert" n’ont aucun respect pour le père de la Révolution islamique.