Des photos de Guinéennes maltraitées lundi circulent sur le Net
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Des images qui circulent sur le Net montrent des Guinéennes déshabillées et humiliées en pleine rue, lors de la répression de la manifestation organisée lundi par l'opposition au stade de Conakry. L'un de nos contacts affirme avoir assisté à la scène qui figure sur cette photo. Voir la photo et lire la suite…
Des images qui circulent sur le Net montrent des Guinéennes déshabillées et humiliées en pleine rue, lors de la répression de la manifestation organisée lundi par l'opposition au stade de Conakry. L'un de nos contacts affirme avoir assisté à la scène qui figure sur cette photo.
ACTUALISATION (7.10 / 15h31 heure de Paris) : nous avons actualisé ce billet avec le témoignage de Kouyate, ci-dessous.
Plusieurs photos de femmes mises nues et humiliées par des militaires ont été postées sur le forum "Guinée News", le 30 septembre, et envoyées aux Observateurs de FRANCE 24. Nous ne publions que l'un de ces clichés, après avoir flouté le visage de la victime.
Le haut commissaire des Nations unies en charge des Droits de l'Homme, Navi Pillay, a réclamé une enquête sur les exactions commises par l'armée. Elle exige également que "les auteurs d'exécutions sommaires, de viols et d'autres violations des droits de l'Homme soient traduits en justice".
"J'ai vu cette femme"
Lamine Camara (pseudonyme) est journaliste pour une radio guinéenne. Il affirme avoir assisté à cette scène.
Je couvrais la manifestation pour ma radio. Tout le monde a courru pour essayer de se sauver, après que les premiers coups de feu ont retenti. C'est à ce moment là que j'ai vu cette femme, devant l'une des deux sorties du stade. Elle était au sol, un militaire était en train de la déshabiller. Je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite. Nous devions fuir. Mais, pendant ma course, j'ai aperçu plusieurs autres femmes se faire bastonner par des militaires. À chaque fois que les soldats attrapaient l'une d'elles, ils lui demandaient ce qu'elle faisait là et pourquoi elle manifestait. Je n'avais jamais entendu parler de tels incidents en Guinée. Les Guinéens ont été choqués par ces actes."
"Ce n'est pas ma sœur. J'en fais ce que je veux !"
Nankouma, journaliste, était lui aussi présent à la manifestation. Il n'a pas vu la personne photographiée ci-dessus, mais a été témoin de violences contre d'autres femmes.
Je peux affirmer que plusieurs femmes ont été maltraitées. Quand on a entendu le crépitement des armes des militaires et qu'ils ont pris le contrôle des lieux, la confusion s'est installée. Les soldats étaient armés jusqu'aux dents. Les manifestants essayaient de défoncer le portail du stade pour sortir. En passant devant les toilettes des femmes, dans la 'Cour' [le stade où a eu lieu la tuerie est situé sur une esplanade que les Guinéens appellent la 'Grande Cour'], j'ai vu un soldat déchirer le jean d'une femme. Au même endroit, il y en avait cinq autres, dont une âgée de plus de 60 ans, nues au milieu de la foule. Elles n'étaient plus entre les mains des militaires. L'une d'elle, à terre, criait et pleurait. Elle venait peut-être de se faire violer. Presque personne n'a réagi, car nous étions tous à la merci des militaires. J'ai vu deux gendarmes essayer d'intervenir pour que les soldats laissent partir les femmes. Mais l'un d'eux a crié : 'Pourquoi n'est-elle pas à la maison ? Pourquoi n'est-elle pas au foyer ? C'est pas ma sœur. C'est pas ma cousine. J'en fais ce que je veux !'"
Camara est passé devant une jeune fille. Il l'a présentée à Blaise Compaoré comme quelqu'un qui se serait blessée dans la bousculade"
Kouyate est étudiant à Conakry.
Je me suis rendu lundi à l'hôpital de Donka, là où sont soignées les victimes des violences. Dadis Camara [le Président guinéen autoproclamé] était là, il faisait visiter les lieux à Blaise Compaoré [le président burkinabé, médiateur dans la crise guinéenne]. Camara est passé devant une jeune fille. Il l'a présentée à son homologue comme quelqu'un qui se serait blessé dans la bousculade. Puis ils sont partis et la fille s'est mise à pleurer. Je suis allé la voir et elle m'a expliqué pourquoi elle était bouleversée. Elle m'a dit qu'elle s'était fait tabasser et violer par des militaires et que c'est pour cette raison qu'elle était à l'hôpital. Elle a été profondément blessée d'être présentée comme une victime accidentelle de la bousculade.
Le même jour, j'ai parlé à un ami, Cisse, qui m'a raconté avoir été 'sauvé' par un viol. A la sortie du stade, il a été arrêté par un militaire. Il a donné son téléphone portable et son argent, mais le militaire continuait de le menacer avec son fusil. Ce dernier avait également arrêté une jeune fille, qu'il avait déjà à moitié déshabillée. Lorsque la fille a vu que le militaire détournait son attention, elle a tenté de s'enfuir. C'est ce qui a sauvé Cisse. Car l'agent a couru après elle. Il l'a rattrapée et l'a violée, laissant à mon ami la possibilité de s'enfuir.