LIBAN - ISRAËL

La guerre du houmous aura bien lieu

Le Liban reproche à Israël d’usurper son patrimoine culinaire et entend créer des appellations d’origine contrôlée pour protéger certaines de ses spécialités. Pour afficher leur détermination, les Libanais vont tenter de battre le record du plus grand plat de houmous au monde détenu par les Israéliens... Lire la suite...

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Publié sur Flickr le 29 janvier 2008 par hazy jenius.

Le Liban reproche à Israël d’usurper son patrimoine culinaire et entend créer des appellations d’origine contrôlée pour protéger certaines de ses spécialités. Pour afficher leur détermination, les Libanais vont tenter de battre le record du plus grand plat de houmous au monde détenu par les Israéliens...

Officiellement, le Liban et Israël sont en guerre depuis 60 ans. Mais durant les derniers mois, les deux voisins semblent avoir trouvé un nouveau champ de bataille pour le moins inattendu : la cuisine.

L’histoire commence sur un plateau de télévision en octobre dernier. Des industriels libanais se plaignent de la commercialisation de certaines de leurs spécialités nationales, sur les marchés occidentaux, sous le label "cuisine israélienne". Le président de l’Association des industriels libanais, Fadi Abboud, relaye leurs doléances et annonce son intention de certifier, auprès de l’Union européenne (UE), certains plats comme étant officiellement "libanais". Parmi ces spécialités, un plat phare : le houmous.

Cette purée de pois chiches et de tahiné agrémentée d’ail, de citron et d’huile d’olive, est un plat incontournable du mezzé libanais traditionnel, et suscite également un véritable engouement chez les Israéliens. Les as du houmous à Jérusalem ou à Tel Aviv, souvent des Israéliens d’origine palestinienne, sont vénérés comme des stars et les restaurants de houmous, (prononcez "khoumos" en hébreu avec un "kh" aux résonnances de jota espagnole), ont même fait leur entrée dans les dictionnaires sous la vedette "houmousia".

Les as du houmos en Israël. Publié sur YouTube par elahnz , le 8 avril 2009.

Mais au-delà de la question d’appellation, les industriels libanais déplorent un important manque à gagner en raison des parts de marché perdues au profit de leurs homologues israéliens. Des pertes qui dépasseraient, selon les industriels libanais, 1 milliard de dollars par an.

Face à un marché en pleine expansion, l’industrie israélienne de houmous rivalise d’imagination pour maximiser ses profits. D’une part, les compagnies ne cessent d’innover en matière de diversité n’hésitant pas à proposer des versions modifiées du houmous "classique" (houmous au paprika, aux oignons, au basilic, à l’aneth, aux olives, aux légumes, aux tomates séchées...), et d’autre part, l’industrie s’appuie sur des études scientifiques qui vantent les mérites de ce plat.

Ainsi, en 2007 des chercheurs israéliens de l’Université hébraïque de Jérusalem se sont penchés sur les vertus du houmous, et ont découvert que cette purée de pois chiches accélère la croissance, diminue l’agressivité et agit comme un antidépresseur.

Les Israéliens détiennent le record du monde Guinness du plus grand plat de houmous - 400 kg dans un plat d’un diamètre de 4 mètres - battu en mars 2008 sur le marché de Mahaneh Yehuda à Jérusalem. Les 24 et 25 octobre prochains, les Libanais entendent battre ce record sur le marché de Saifi, dans le centre-ville de Beyrouth. Publié sur le site The Hummus Blog.

"Les Israéliens doivent, en cas de production de houmous, utiliser un autre nom commercial"

Fadi Abboud, président de l'Association des industriels libanais.

Interdire à des non-Libanais de produire du houmous n’est pas réaliste. Mais nous désirons, toutefois, protéger l’appellation de ce plat. Le terme "houmous" qui désigne un plat de pois chiches mélangé à la crème de tahiné a été employé dans cette acception pour la première fois au Liban dans les années 1950. Partant de là, les Israéliens doivent, en cas de production de houmous, utiliser un autre nom commercial. Au Royaume-Uni, par exemple, le plat de houmous est commercialisé sous l’appellation 'Greek dip' même si les Grecs ne connaissent pas ce plat."

Du hoummous israélien avec du paprika et des pignons de cèdres. Publié sur Flickr par bitzi, le 18 juillet 2006.

"Le houmous n'appartient pas au peuple qui l'a inventé mais aux gens qui l'aiment, qui le cuisinent, qui se passionnent pour lui"

Shooky Galili est un jounaliste israélien spécialisé en alimentation et tient un blog dédié au houmous.

Il est ridicule de vouloir réclamer la paternité du houmous. Selon des archéologues, le houmous, en tant que combinaison de pois chiches et de crème de sésame, aurait été créé par les Croisés. Le houmous n’appartient pas au peuple qui l’a inventé mais aux gens qui l’aiment, qui le cuisinent, qui se passionnent pour lui. Le houmous est plus qu’un plat. C’est une culture en soi. Quand on va dans une houmousia, on partage sa table avec des inconnus. On échange et on communique avec eux. Peu importe que vous soyez juif, arabe ou chrétien, lorsqu’on mange du houmous, les différences disparaissent."

Certains ajoutent au houmous le fameux œuf brun des juifs sépharades de Jérusalem, le chaminabos. Selon la tradition, l’œuf cuit lentement toute la nuit au four. Publié par ilan sur Flickr, le 25 mai 2009.

"Les Israéliens usurpent plusieurs appellations libanaises et orientales"

Professeur d’université, Rudolf el-Kareh est cofondateur de l’Initiative pour une protection des indications géographiques au Liban et auteur du livre Le Mezzé libanais, l’art de la table festive (1998).

Les Israéliens usurpent plusieurs appellations libanaises et orientales. Ils ont vendu à Detroit, il y a une dizaine d’années un lot de 80 tonnes de concombres gorgés d’eau produits sous serre dans des colonies à Gaza, sous le nom de concombres de Kahalé [village du Mont-Liban], une variété non irriguée issue de l’agriculture de montagne. La vigilance doublée de démarches juridiques nécessaires au sein des instances internationales pertinentes peut faire avorter ces formes de flibuste que l’on peut assimiler à un pillage de patrimoine."

On peut également ajouter du foul [plat oriental à base de pois chiches]. Ce sont les juifs du Yémen arrivés en Israël qui eurent l’idée de mixer les deux plats puisque le foul existe dans la cuisine yéménite. Publié par EranMahalu sur Flickr, le 25 mai 2009.

 

Certains Israéliens agrémentent leur houmous de champignons. Publié par ErniePhoto sur Flickr, le 24 avril 2009.