Les grossiers plagiats d'une chaîne de télé
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Il y a quelques mois, nous publiions un billet sur un dans le monde arabe. Dans la même veine, un jeune Egyptien s’est amusé à pointer les plagiats d’une chaîne de télévision locale. Un courage qui pourrait lui coûter cher... Lire la suite...
A gauche, un extrait du célèbre Benny Hill Show. À droite, sa jumelle égyptienne.
Il y a quelques mois, nous publiions un billet sur un blogueur koweïtien qui démasquait les plagiaires dans le monde arabe. Dans la même veine, un jeune Egyptien s’est amusé à pointer les plagiats d’une chaîne de télévision locale. Un courage qui pourrait lui coûter cher...
Tamer Azab, un graphiste de 22 ans, tombe, le 10 août dernier, sur un groupe Facebook qui annonce le lancement d’une nouvelle chaîne de télévision, Cairo Centric (Al-Kahera Wal Nas), pour le premier jour du ramadan.
Cette page Facebook fournit des dizaines de liens pointant vers des spots promotionnels de la chaîne. Tamer s’aperçoit que l'un des spots ressemble étrangement à celui d’une célèbre marque de voitures. Et les autres ont également un air de déjà vu. En cherchant un peu sur YouTube, il découvre le pot aux roses. Les promos de la chaîne égyptienne reprennent, au détail près, des publicités occidentales, ainsi que des extraits du célèbre Benny Hill Show et d’autres comédies des années 1970 et 1980.
Tamer décide alors de lancer son groupe "Cairo Centric-Stolen Ads" afin de démasquer les plagiats de la nouvelle chaîne. Devant le succès du groupe (5 300 membres en quelques jours), la chaîne se sent obligée de rétorquer. Elle publie un message sur son site Internet, mais pas à l’antenne, expliquant qu’il ne s’agit pas de plagiats mais d’un jeu. Elle appelle même les internautes à dénicher les différences entre les pubs originales et leurs clips promotionnels, promettant au gagnant une "interview devant 70 millions de téléspectateurs". Les internautes se moquant de cette tentative désespérée de justification, la chaîne retire peu après le message de son site.
Cette copie d’écran affiche la réponse de Cairo Centric au groupe Facebook qui l’accuse de plagiat. Il ne s’agit pas de plagiats mais bel et bien d’un jeu-concours.
Mais le 30 août, l’homme d’affaires Tarek Nour, propriétaire de Cairo Centric et de l’agence de pub qui a produit les bandes annonce, met en demeure Tamer Azab, par l’entremise de son avocat, de faire des excuses publiques et de fermer immédiatement son groupe Facebook, sous peine d’être traîné en justice.
Pourtant, le surlendemain, Tarek Nour admet sur les ondes d’une radio nationale (Noujoum FM) que ces vidéos promotionnelles sont en effet des plagiats ; l’objectif était, selon lui, de faire du buzz. Les plaintes contre Tamer Azab n’ont pas encore été abandonnées et le jeune blogueur, lassé de son combat contre Goliath, va fermer son groupe.
En haut, une publicité pour une nouvelle sonnerie de portable par l’agence de publicité ukrainienne Ogilvy Group produite en 2008. En bas, sa jumelle égyptienne sur Cairo Centric.
En haut, la publicité de Mercedes-Benz qui a mis la puce à l’oreille de Tamer. En bas, la copie de Cairo Centric.
"Tarek Nour et sa chaîne ont sous-estimé les capacités des 'geeks' égyptiens"
Tamer Azab, 22 ans, est le créateur du groupe "Cairo Centric–Stolen Ads" sur Facebook.
L’injonction que j’ai reçue évoque des propos diffamatoires que j’aurais tenus à l’encontre de Tarek Nour et de Cairo Centric et m’accuse d’avoir violé les droits d’auteur en utilisant, après modification, le logo de la chaîne sur mon groupe Facebook. En d’autres termes, ils plagient, mais ils ont le culot de m’accuser, moi, de plagiat [à la suite de la mise en demeure, Tamer a remplacé le logo en question, ndlr].
Tarek Nour et sa chaîne ont sous-estimé les capacités des 'geeks' égyptiens. Ils ont cru que leurs agissements passeraient inaperçus. J’ai créé ce groupe non pour attaquer qui que ce soit, mais pour mettre à profit les talents créatifs de nombre de mes compatriotes.
Aujourd’hui, j’ai peur pour ma sécurité personnelle parce que Tarek Nour est un homme puissant capable de me porter préjudice. Mais, à l’instar d’autres Egyptiens, j’en ai assez de voir ignorée la propriété intellectuelle. En Egypte, nombreux sont ceux qui se servent sans gêne des idées des autres. Wael Saed, l’un de mes amis, a élaboré un fond d’écran qui a remporté un vif succès en Egypte. Quelques mois plus tard, nous l’avons retrouvé dans une publicité pour des chips. L’agence n’avait même pas pris la peine de demander son autorisation".