IRAN

Taraneh a-t-elle été violée et tuée ou n'a-t-elle jamais existé ?

Taraneh avait 28 ans, elle était esthéticienne. Arrêtée par les bassidjis, elle a été violée et torturée pendant 22 jours, puis brûlée et abandonnée dans le désert. Du moins, c'est la version des internautes dissidents iraniens. Mais selon les autorités, la femme en question vivrait depuis plusieurs années au Canada, pays où elles ont interviewé sa famille. Alors qui dit la vérité ?

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Taraneh avait 28 ans, elle était esthéticienne. Arrêtée par les bassidjis, elle a été violée et torturée pendant 22 jours, puis brûlée et abandonnée dans le désert. Du moins, c'est la version des internautes dissidents iraniens.  Mais selon les autorités de Téhéran, la femme en question vivrait depuis plusieurs années au Canada. Alors qui dit la vérité ?

La polémique autour de la mort de Taraneh Moussavi a été déclenchée sur le Net le 14 juillet dernier, quand le blogueur contestataire  Iranian Leftist a rapporté, après avoir parlé avec un ami de la jeune femme, que celle-ci aurait été torturée, violée et tuée. Il explique que l'esthéticienne aurait été arrêtée le 28 juin avec 40 manifestants. Toujours selon cet ami, elle n'aurait pas participé à la manifestation mais se serait fait arrêter pour avoir porté des talons hauts et une tenue jugée indécente. Alors que les autres détenus ont été conduits au poste de police de Nobonyad, Taraneh aurait été emmenée dans une maison du quartier de Hosseinie Ershad par les milices bassidjis.

Le blogueur ajoute que, plusieurs jours après, la famille de la jeune fille a reçu un appel anonyme qui les prévenait que Taraneh avait été hospitalisée à la suite d'un "accident". Elle porterait des traces de blessures au niveau de l'utérus et de l'anus. Quand sa famille est arrivée à l'hôpital Imam Khameini pour venir la chercher, l'infirmière leur a dit qu'une fille correspondant à la description de Taraneh avait été conduite à l'hôpital par des officiers en civil, puis emmenée quelques heures plus tard.

Deux jours après, le site annonce la mort de Taraneh. Le blogueur publie le témoignage d'un de ses amis. Il raconte que la famille de Taraneh aurait reçu un autre appel, les prévenant que son corps aurait été trouvé dans le désert entre Karaj et Qazvin (au nord-ouest de Téhéran).

L'histoire  de Taraneh a fait un tel vacarme sur le Net, qu'un élu républicain du Michigan, Thaddeus McCottor, a prononcé un discours devant le Congrès américain condamnant les autorités iraniennes.

"Le reportage de la chaîne Irib n'a fait que confirmer les doutes que nous avions"

Asal a 23 ans, elle est iranienne et étudie à Melbourne, en Australie. Elle écrit pour le blog Iranian Leftist.

Le reportage de la chaîne IRINN n'a fait que confirmer les doutes que nous avions. Il est clair que la photo qui a été montrée à la famille par le journaliste n'est pas la photo de la Taraneh dont nous parlons. Dans cette "comédie familiale", la mère et la sœur disent qu'elles n'ont jamais entendu parler de l'affaire Taraneh, alors que tous les médias en ont parlé ! Sans parler du moment où elle répond au téléphone et que la communication est mystérieusement coupée. Ce reportage est une vaste farce.

En tout cas, ce n'est pas du tout impossible qu'une jeune fille ait été sexuellement agressée par les forces bassidjis.

Beaucoup de femmes ont rapporté qu'elles avaient été victimes d'agressions dans les prisons iraniennes. Cette affaire doit faire l'objet d'une enquête menée par des observateurs internationaux indépendants ou par un journaliste très courageux qui n'aurait pas peur de finir sous les verrous."

Taraneh "vivante et en pleine forme au Canada"

Ce n'est que vendredi que les autorités iraniennes se sont exprimées sur cette affaire dans une émission  diffusée sur la chaîne d'Etat IRINN (Islam Republic of Iran News Networks). Les journalistes assurent avoir retrouvé la famille de Taraneh, ils l'ont interviewée pour l'émission:

Traduction : Omid Habininia. Sous-titres : FRANCE 24.

"Actuellement la famille est menacée par les autorités donc on n'a plus aucune information"

Shahrzad, 26 ans, est photographe. Elle manifestait près de l'endroit où Taraneh aurait été arrêtée.

C'était le dimanche 28 juin, j'étais en face de la mosquée Quba. Des réformistes fêtaient l'anniversaire du Hafte Tir [une attaque meurtrière contre des dirigeants de la République islamique d'Iran en 1981], pour cette raison la police nous a attaqués. Après plusieurs heures d'affrontements, j'ai réussi à rentrer chez moi et j'ai essayé d'appeler l'une de mes amies que j'avais perdue dans la foule, mais elle ne répondait pas.

Le lendemain, j'ai entendu qu'elle avait été arrêtée dans la bagarre avec beaucoup d'autres personnes, ce n'est que plus tard qu'on a compris que Tanareh avait été arrêtée au même moment. Plus tard, des billets ont commencé à être postés sur les blogs et on en a su un peu plus.

Mais actuellement, la famille est menacée par les autorités donc on n'a plus aucune information."