Neda, une icône qu’on s’arrache
Depuis les manifestations de samedi dernier, le visage ensanglanté et le regard fixe de Neda Agha Soltan symbolisent la violence des affrontements entre les manifestants iraniens et les autorités. En Iran et à l'étranger, elle a été élevée au rang d'icône par le mouvement contestant la réélection du président sortant Mahmoud Ahmadinejad. Mais les autorités réagissent aujourd'hui et tentent de briser le mythe.
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Image postée sur le site "We Are All Neda".
Depuis les manifestations de samedi dernier, le visage ensanglanté et le regard fixe de Neda Agha Soltan symbolisent la violence des affrontements entre les manifestants iraniens et les autorités. En Iran et à l'étranger, elle a été élevée au rang d'icône par le mouvement contestant la réélection du président sortant Mahmoud Ahmadinejad. Mais les autorités réagissent aujourd'hui et tentent de briser le mythe.
Neda, 27 ans, était étudiante en philosophie. Elle a été tuée d'une balle dans la poitrine, samedi dernier, dans les rues de Téhéran. Les images de sa mort, filmées au moyen d'un téléphone portable, auraient d'abord été publiées sur Facebook par Hamed R, un blogueur iranien vivant aux Pays-Bas.
Les circonstances de sa mort sont âprement discutées sur le Web iranien. Selon la version donnée par son fiancé, Caspian Makan, à la chaîne Al-Jazeera, Neda ne manifestait pas ce jour-là. Coincée dans les embouteillages avec son professeur de musique, elle serait sortie de sa voiture et elle approchait d'un groupe de manifestants (voir la vidéo ci-dessous) quand elle a été abattue. Il cite des témoins qui affirment que Neda a été délibérément prise pour cible par des membres des bassidji, une milice civile qui n'a, théoriquement, pas reçu l'autorisation de porter des armes. Toujours selon son fiancé, Neda n'était d'ailleurs ni pro-Moussavi, ni pro-Ahmadinejad, même si elle avait participé à des manifestations pour défendre la démocratie.
Plusieurs versions farfelues sont également véhiculées par les médias officiels. Le journal Jomhouri Islami, cité par The Guardian, affirme que ce sont des snipers appartenant au groupe de résistance armé des Moudjahiddin du peuple qui auraient tué Neda, afin de renforcer leur propagande contre le pouvoir.
Le journal pro-régime Javan affirme, quant à lui, que ce serait Jon Leyne, le correspondant de la BBC expulsé d'Iran, qui aurait organisé le meurtre de Neda pour enrichir son documentaire...
Les autorités n'ont toujours pas ouvert d'enquête sur la mort de Neda. Elle a été enterrée dimanche en dehors de Téhéran, les autorités ayant refusé que des funérailles ou des commémorations en sa mémoire soient organisées dans la capitale.
Neda, quelques minutes avant sa mort
Neda est en noir, à gauche de l'homme en bleu.
Samedi 20 juin, à 19h05, Neda décède d’une balle dans la poitrine
Le lieu de sa mort, aujourd’hui
Posté ici
Les hommages des internautes
Postée sur Flickr par Steve Rhodes.
Une des pages Facebook dédiée à Neda.
Posté sur Flickr par Milad3010.
"En donnant autant d'importance à cette information, la presse et les médias empêchent de connaître la vérité"
Mohammad, 24 ans, a un diplôme d'ingénieur. Il soutient Mahmoud Ahmadinejad.
La mort de Neda Agha Soltan n'a pas encore fait l'objet d'une enquête officielle. Je pense qu'en donnant autant d'importance à cette information, la presse et les médias empêchent de connaître la vérité. En faisant cela, vous déclenchez une guerre médiatique entre la République islamique d'Iran et l'Occident. Et, dans ce contexte, les échanges diplomatiques sont plus difficiles.
D'après mes informations, plusieurs personnes innocentes ont été tuées, aussi bien par les manifestants que par les forces de l'ordre pendant les manifestations. Il y a dix jours, une fillette et une femme ont par exemple été tuées par les opposants au régime sur le chemin de la garderie, mais personne n'a accordé d'importance à cet événement.
Neda Agha Soltan a été tuée par balle, c'est la seule chose dont nous sommes sûrs aujourd'hui. On ne sait pas vraiment qui a tiré. Les forces de l'ordre affirment qu'elles n'avaient aucune équipe sur place et que la balle ne vient ni de la police, ni d'une organisation militaire. Elles affirment par ailleurs qu'on leur a ordonné de ne pas tirer pendant les manifestations. Les manifestants répondent que Neda a été tuée par un officier de police ou un membre d'une organisation militaire. Mais il s'agit seulement d'une supposition. Une supposition, ce n'est pas la vérité. "
"Le régime fait toujours ce genre de déclaration pour se laver les mains de ses crimes"
"Rose" est une jeune iranienne qui étudie à l'étranger. Elle était à Téhéran jusqu'à vendredi dernier.
Neda est le symbole de notre combat. Le gouvernement affirme que c'est l'opposition qui l'a tuée. Cela n'a rien de surprenant. Le régime fait toujours ce genre de déclaration pour se laver les mains de ses crimes. Mais ici, personne n'y croit."