CHINE

Décès suspect à Shishou : une ville se soulève pour connaître la vérité

La mort suspecte de Tu Yuangao, cuisinier dans un hôtel de la ville de Shishou, dans le centre de la Chine, a révolté les habitants de la cité, convaincus qu'il ne s'agit pas d'un suicide, comme l'affirment les autorités. Fait rare dans le pays, la police et les manifestants se sont violemment affrontés toute la journée de samedi. Des internautes, plus rapides que la censure, ont réussi à faire passer des images de cette journée d'émeutes. Lire la suite et voir les images...

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Les émeutiers affrontent la police anti-émeutes, samedi après-midi, dans les rues de Shishou.

La mort suspecte de Tu Yuangao, cuisinier dans un hôtel de la ville de Shishou, dans le centre de la Chine, a révolté les habitants de la cité, convaincus qu'il ne s'agit pas d'un suicide, comme l'affirment les autorités. Fait rare dans le pays, la police et les manifestants se sont violemment affrontés toute la journée de samedi. Des internautes, plus rapides que la censure, ont réussi à faire passer des images de cette journée d'émeutes.

Tu Yuangao avait 24 ans. Mercredi dernier, il a été retrouvé mort devant l'hôtel Yonglong, où il travaillait. Il se serait défenestré du troisième étage, selon la direction. L'établissement, peu reluisant, est connu pour être un repaire de trafiquants de drogue, dans lequel le maire de la ville détiendrait des parts. Si la police assure avoir retrouvé, à côté du corps, une lettre dans laquelle Tu Yuangao explique son geste, sa famille reste persuadée que le jeune homme ne s'est pas donné la mort. Elle soupçonne plutôt le patron de l'hôtel d'être à l'origine du décès.

Selon les parents, le corps et le visage de Tu étaient recouverts de sang. Il n'y en avait pourtant aucune trace près de son corps. Le patron de l'hôtel a proposé l'équivalent de 3 160 euros à sa famille pour qu'ils reconnaissent qu'il s'agit d'un suicide. La police a ensuite ordonné l'incinération du corps. Révolté, le père a allongé le cadavre de son fils dans le hall de l'hôtel. Muni d'une bouteille de gaz, il a assuré qu'il ne bougerait pas avant de connaître la vérité, menaçant de se faire sauter si on essayait d'enlever le corps de son fils (Nous avons choisi de ne pas publier la photo de la scène. Vous pouvez la trouver ici).

Très rapidement, des sympathisants se sont rassemblés devant l'hôtel pour soutenir le geste désespéré du père de Tu. Quand, à une heure du matin vendredi, la police a essayé d'intervenir, 2 000 personnes ont bloqué l'entrée de l'établissement. Le lendemain, ils étaient près de 40 000, selon l'agence de presse Associated Press, à affronter les forces de police. Ces dernières ont dû appeler en renfort les brigades anti-émeutes. Le Centre des droits de l'Homme et de la démocratie basé à Hong Kong parle de 200 blessés.

La situation est redevenue calme dimanche matin. Mais, selon notre Observatrice sur place, la ville reste sous haute surveillance.

"Une partie des émeutiers a profité de l'occasion pour exprimer sa colère contre le gouvernement local"

Wang travaille à l'hôtel Zhongshan Business, qui se trouve à 300 mètres de l'hôtel Yonglong. Elle est arrivée sur les lieux lundi.

Pendant les émeutes, pas moins de 10 000 locaux se sont rassemblés pour défendre la cause du père de Tu, mais je pense que parler de 40 000 à 50 000 personnes est un peu exagéré. Mon collègue a tout vu. Il m'a dit que c'était très violent. Les émeutiers ont pourchassé les policiers et ont jeté des briques et des bouteilles de verre sur leurs voitures.

Aujourd'hui, la situation est plus calme, car le corps a finalement été enlevé par les autorités locales. Mais un impressionnant dispositif policier a été déployé dans les environs de l'hôtel. Certains groupes de personnes continuent à se rassembler devant l'hôtel, mais il n'y a plus de manifestations. Beaucoup de gens sont intrigués, ils viennent voir comment évolue la situation.

Parmi les gens qui ont protesté ce week-end, je suis persuadée qu'une partie avait pris fait et cause pour la famille de la victime, mais je pense aussi qu'une autre partie a profité de l'occasion pour exprimer, de manière plus générale, sa colère contre le gouvernement local."

Photos des affrontements postées par les internautes

Des émeutiers ont mis le feu à l'hôtel dans la soirée de samedi. Les parents de Tu étaient à l'intérieur, ils ont été évacués à temps, avec le corps de leur fils.

Ces photos ont été postées ici et ici.

À plusieurs reprises, les émeutiers font reculer les forces de l'ordre