RUSSIE

Quand Medvedev arrive en ville, même les trains s'arrêtent

Regardez attentivement cette image. Cette voie ferrée est en service. Et pourtant, elle est recouverte de bitume. Pourquoi ? Afin que le voyage du président russe Dmitri Medvedev soit moins rude. Lire la suite...

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Regardez attentivement cette image. Cette voie ferrée est en service. Et pourtant, elle est recouverte de bitume. Pourquoi ? Afin que le voyage du président russe Dmitri Medvedev soit moins rude.

Lorsqu'une ville a l'honneur d'accueillir un officiel russe, l'hospitalité ne connaît pas de limites. En vue de la visite du président Medvedev, les autorités de la ville de Kirov ont ainsi décidé de recouvrir la voie ferrée de bitume. Après tout, c'est la première fois depuis 185 ans qu'un dirigeant russe daigne se rendre à Kirov. Le dernier en date fut le tsar Alexandre I. Reste qu'altérer la réalité pour la rendre plus rose est une tradition russe bien ancrée. C'est déjà ici que, à l'époque de Catherine II, avaient été érigés à toute vitesse les fameux villages "Potemkine", des façades de maisons en carton-pâte destinées à rendre plus agréable les voyages de la tsarine. Et c'est aussi ici que, au temps de l'URSS, les maires peignaient leur gazon en vert lors de visites importantes.

Malgré cet héritage historique, les habitants de Kirov ont été surpris de voir leur ville succomber à la tradition, le 14 mai dernier. Le gouverneur de la province, Nikita Belykh, est le chef de file de l'un des plus importants partis d'opposition, baptisé l'Union des forces de droite (SPS). Mais pour les blogueurs russes, il n'a pas été à la hauteur de son rôle. En plus de l'épisode de la voie ferrée bitumée, ils dénoncent toute une autre série de mesures loufoques : des nids de poule rebouchés à la va-vite, des façades de maison repeintes et des habitants contactés par les services secrets pour les inviter à rester chez eux pendant la visite. On ne saura jamais si ces mesures ont été au goût de Medvedev, mais en tous cas elles n'ont pas plu au public.

"La visite de Medvedev à Kirov n'a pas été une exception"

Konstantin Yadvishi est originaire de Tula, une ville située au sud de Moscou dans laquelle Dmitri Medvedev s'est rendu en mars.

On pouvait voir les préparatifs depuis nos fenêtres. Dans la nuit qui a précédé la visite, les gens ont commencé à repeindre à toute vitesse la façade d'un hôpital militaire de la ville. C'était surprenant parce que c'est un bâtiment classé et normalement on ne peut même pas repeindre une fenêtre sans une autorisation spéciale. Pendant la journée, de la neige fraîche et blanche a été transportée en masse sur la route principale pour recouvrir la neige boueuse.

À côté du bâtiment où Medvedev tenait son discours, le Palace de la culture du chemin de fer, des nids de poule ont été rebouchés à la va-vite. Le temps était humide et donc les trous étaient remplis de neige fondue. Pourtant ils ont versé du bitume directement sur l'eau. Et ils ont fait ça quelques heures avant son arrivée. L'étape suivante a été la fermeture de toutes les routes. Tout a été fermé, même les cordonneries..."

"Belykh n'a pas tenu sa réputation de politicien libéral"

Artur Abashev, habitant de Kirov, est le chef du mouvement libéral Smena.

Juste après le départ de Medvedev, Belykh a tenu une conférence de presse. Il a expliqué que ce n'était pas lui qui avait décidé de recouvrir les rails et de reboucher les trous dans la chaussée, mais qu'il s'agissait d'un ordre du service fédéral de la sécurité. (Le blog de Nikita Belykh). En ce qui concerne l'interdiction faite aux citoyens de sortir de chez eux le jour du passage de Medvedev, je considère que c'est une atteinte à nos droits fondamentaux. Le droit à la liberté de rassemblement n'est toujours pas respecté, et la police continue d'étouffer l'opposition. Et donc Belykh n'a pas tenu sa réputation de politicien libéral."