PAKISTAN

Notre Observateur raconte le désastre humanitaire dans la vallée de Swat

L'un de nos Observateurs à Karachi, dans le sud du Pakistan, s'est rendu dans la vallée de Swat, à l'autre bout du pays, pour y apporter de l'aide humanitaire. Il nous raconte que les réfugiés manquent de tout et que la corruption des autorités locales ne facilite pas la tâche.

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L'un de nos Observateurs à Karachi, dans le sud du Pakistan, s'est rendu dans la vallée de Swat, à l'autre bout du pays, pour y apporter de l'aide humanitaire. Il nous raconte que les réfugiés manquent de tout et que la corruption des autorités locales ne facilite pas la tâche.

 

"Les responsables locaux essayaient de faire passer leurs amis d'abord"

Awab Alvi est dentiste à Karachi. Il tient le blog Teeth Maestro.

Notre troisième jour de mission dans la vallée de Swat a été pour le moins mouvementé. Nous [Hasnain, Youshey, moi et Faris] avons quitté Peshawar vers 9 heures du matin, sans même prendre de petit-déjeuner.

Nous voulions partir tôt pour nous rendre à Bagheecha Deri, où 150 sacs avaient été livrés la veille puis mis en sécurité dans l'attente d'être distribués (...).

Dès notre arrivée à Bagheecha Deri, nous avons demandé à quelques 'maluvis' [leader religieux local, NDLR] d'annoncer que le ravitaillement allait être distribué. Très vite, une petite foule s'est constituée. Nous avons alors demandé aux gens de nous présenter leurs cartes d'identité ainsi que leurs cartes jaunes des services sociaux pour nous assurer qu'ils étaient bien des réfugiés. Nous avons dû refuser des repas à quelques locaux et à des Pashtouns, pourtant très insistants. Pour éviter que certains ne se présentent deux fois, nous avons confisqué les cartes d'identité et les cartes jaunes jusqu'à la fin de la distribution.

Après Bagheecha Deri, nous sommes partis pour Takht Bhai. Avant même notre arrivée, Youshey et le Dr Maqbool Shah avaient déjà déchargé environ 120 paniers de nourriture pour les distribuer aux réfugiés dans les écoles. Une petite foule s'était amassée dans notre entrepôt, principalement des femmes. Nous leur avons alors demandé de se mettre en file indienne avant de leur distribuer dans le calme une quarantaine de paniers. Mais cette distribution s'est révélée être une erreur. Très vite, les gens se sont passé le mot et le nombre de demandeurs n'a cessé de croître jusqu'à la fin de l'après-midi.

Ce même après-midi, nous avons préparé un autre lot de 300 paniers pour Parkhro Deri, où un Nazim local du PPP [un responsable local affilié au parti PPP, NDLR] nous a trouvé un endroit pour procéder à la distribution. Hasnain est allé à Parkhro Deri pour s'assurer que tout se passait bien et identifier les vrais réfugiés. Bien sûr, les responsables locaux essayaient de faire passer leurs amis d'abord, mais Hasnain s'y est opposé et à fait en sorte que la distribution se déroule de manière ordonnée.

Vers 18 heures, nous avions distribué tous les paniers de nourriture que Makro nous avait fournis, mais il nous restait plein de réserves, dont des bouteilles d'eau, des sacs de sucre, des biscuits et du thé. Nous avons alors eu l'idée de distribuer nos victuailles directement aux réfugiés aux bord des routes, là où il aurait été impossible de procéder à des distributions massives sans courir le risque de se faire piller. À bord de deux pick-up chargés de Ghee [huile de cuisine, NDLR], de biscuits et de thé, nous sommes partis sur la route. L'idée était de rester constamment en mouvement et de jeter les vivres à partir des voitures. (...) Notre plan a marché : nous étions assaillis de gens mais avons réussi à nous frayer un chemin sans jamais nous arrêter.

Après ces distributions, nous sommes rentrés au camp. Une foule mécontente et grandissante s'était amassée à l'extérieur de notre entrepôt. Afin d'éviter un désastre, j'ai alors demandé au président Mardan du PTI de nous aider à disperser la foule. Il s'est alors adressé à elle et a réussi, petit à petit, à calmer la situation, nous permettant de réunir notre dernier lot de victuailles et de le confier à une ONG appelée KhwandKho, des gens de confiance travaillant avec la fondation Omar Asghar.

La journée terminée, nous avons réalisé que nous n'avions même pas pris le temps de manger. Plus tard dans la nuit, j'ai payé les chauffeurs et offert un peu d'argent aux quelques bénévoles qui avaient travaillé dur pendant ces deux jours. La plupart d'entre eux ont refusé, affirmant qu'il s'agissait de leur contribution à une cause juste."