BRÉSIL

Les "pichadores" montent à l’assaut de Sao Paulo

Photo . Les médias brésiliens se demandent si ces graffitis sont l’œuvre d’artistes ou de délinquants. Pour ces jeunes, peu importe : le "pichaçao" est un art de vivre, dangereusement.

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Photo postée sur Flickr par Choque.

Les médias brésiliens se demandent si ces graffitis sont l’œuvre d’artistes ou de délinquants. Pour ces jeunes, peu importe : le "pichaçao" est un art de vivre, dangereusement. "Pichador" vient du verbe portugais pichar, qui signifie appliquer la "piche" (le goudron), mais aussi critiquer durement. Les pichadores, issus principalement des favelas de Sao Paulo, peignent, toujours en noir, des caractères issus de l’alphabet runique. Leurs messages sont toujours les même (leur prénom ou le nom de leur groupe), mais ils les conçoivent comme autant de défis à la société brésilienne.

Ils attaquent de préférence au petit matin, armés de bombe de peinture, et laissent leur "griffe" le plus haut possible sur la façade des bâtiments, maisons, ou de toute autre construction urbaine. Plus le "pichaçao"" est inaccessible, plus il a de la valeur. Les "pichadores" disent que s’ils risquent leur vie, c’est pour déranger la société qui les a marginalisés. La chaîne Télé Globe, la plus populaire et la plus conservatrice du Brésil, les qualifie tout simplement de vandales.

 

Posté sur YouTube par CriptaDjan.

Les "pichadores" s’invitent à la biennale de Sao Paulo

En septembre 2008, les "pichadores" ont même fait la une des journaux brésiliens après avoir envahi et tagué les salons de la Biennale d’art contemporain de Sao Paulo. Ils ont expliqué protester, à leur façon, contre la commercialisation et l’assujettissement de l’art urbain. Ricardo Basbaum, artiste, critique et commissaire d’exprosition présent dans la salle au moment de l’action, avait déclaré au journal "O Estado" de Sao Paulo : "La Biennale doit apprendre à vivre avec cela. Il s’agit d’un mode d’expression à l’état brut. Personnellement, je le trouve laid, mais ça fait partie de la société. Et une Biennale doit être ouverte à la société."

 

Vidéo postée sur YouTube par LissMorila.

 

Le "pichaçao" en photos

Photos postées sur Flickr par Choque.

"C’est une façon de dire : ‘Société, regarde-moi, je suis là… J’existe !'"

Sergio Massucci, écrivain et publicitaire né à Sao Paulo, est un ancien "pichador".

Le 'pichaçao' est un mouvement né dans les favelas de Sao Paulo au début des années 80. Très tôt, il s’est étendu aux jeunes des classes moyennes qui trouvaient dans le 'pichaçao' un moyen d’exprimer leur mécontentement en dégradant l’espace urbain.

Au début, c’étaient des fans de heavy metal et de groupes comme Iron Maiden, Black Sabbath et Slayer. Les premiers logos des 'pichadores' étaient inspirés de la typographie de ces groupes. Ce qui intéresse le 'pichador', c’est l’acte rebelle, pas son contenu. 'Pichar' c’est une façon de dire : 'Société, regarde-moi, je suis là… J’existe !' Il veut choquer, déranger et il y arrive toujours. Savoir si ce qu’il fait est de l’art ou pas ne l’intéresse pas. Il laisse ce débat aux intellectuels enfermés dans leurs universités. Le concept de beauté, comme il est reconnu par la société, n’existe pas dans son quartier d’origine. C’est comme si, au moment de 'pichar', il pensait : maintenant, c’est à toi d’avaler tout ce que moi j’ai avalé pendant mon enfance."