PAKISTAN

Les Taliban progressent au Pakistan : "Les États-Unis ont joué un double jeu"

Les Taliban ont pris position à moins de 100 km de la capitale pakistanaise. L'une de nos Observatrices dans le pays nous dit qu'elle ne croit pas à une prise du pouvoir par les Taliban. Elle explique par ailleurs que les Etats-Unis, qui aujourd'hui s'affolent de la progression des Taliban, sont en partie responsables de la montée en puissance de l'islamisme dans son pays. Lire la suite...

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Bush le Taliban. Source : www.anvari.org 

Les Taliban ont pris position à moins de 100 km de la capitale pakistanaise. L'une de nos Observatrices dans le pays nous dit qu'elle ne croit pas à une prise du pouvoir par les Taliban. Elle explique par ailleurs que les Etats-Unis, qui aujourd'hui s'affolent de la progression des Taliban, sont en partie responsables de la montée en puissance de l'islamisme dans son pays.

Le président pakistanais, Asif Ali Zardari, avait accepté que la charia, la loi islamique, soit instaurée dans la vallée de Swat, contrôlée par les Taliban, si ces derniers acceptaient de déposer les armes. Or, si les combattants islamistes ont bien instauré la charia, ils ont également poursuivi leur offensive militaire, s'aventurant jusque dans le district de Buner, à 100 km d'Islamabad. Mercredi dernier, Hillary Clinton, la secrétaire d'Etat américaine, a tiré la sonnette d'alarme et invoqué "l'abdication" d'Islamabad devant les Taliban.

"Je soupçonne les États-Unis de jouer un double jeu"

Najma Sadeque travaille pour une ONG de défense des droits des femmes au Pakistan.

Je ne pense pas que les Taliban puissent prendre le contrôle du pays. Ils posent, en revanche, un problème durable, qui ronge l'économie et risque de plonger le pays dans le chaos. Les simples citoyens sont impuissants face à leurs armes. De même, si les femmes se cachent derrière des voiles, et des murs, c'est parce qu'elles ont peur pour leur vie, pas parce qu'elles adhèrent à leur idéologie. Ce sont les médias occidentaux, et en particulier américains, qui laissent croire le contraire.

Surtout, tout cela n'est pas arrivé en un jour. C'est le legs du général Zia-ul-Haq [président de 1978, à la suite d'un coup d'Etat, à 1988] et de son 'islamisation' d'un pays qui était déjà musulman. Ce sont les Américains qui l'avaient installé au pouvoir et qui l'ont ensuite évincé. Tout cela est connu. Après son départ, l'Arabie saoudite a pris le relais et fait progresser encore le fondamentalisme. Comme ce pays n'a pas d'influence militaire, il fait du lavage cerveau. Un lavage de cerveau qui n'est pas si différent de la propagande et de la désinformation pratiquées par les Etats-Unis et d'autres pays.

Le général Musharraf [président de 2001 à 2008] est également responsable ; par ses décisions et son inaction dans les moments-clés, il n'a fait qu'aggraver la situation. Il n'a rien fait pour créer des conditions économiques viables, offrir un niveau de vie correct, mettre en place un service de santé efficient, bref tout ce qui aurait permis l'instauration d'une paix durable avec les Taliban. Il a juste fait ce qu'il fallait pour ne pas les affronter.

Quant aux Etats-Unis, ils ont toujours été soupçonnés de jouer un double jeu. Ils utilisent le Pakistan pour lutter contre un problème qu'ils ont eux-mêmes créé. Cela leur donne une excuse pour rester dans la région et profiter de ses richesses (les minerais et les autres ressources dont regorgent l'Afghanistan et le Pakistan). Ils sont même accusés d'avoir financé les fondamentalistes pour qu'ils déstabilisent le pays. Voilà ce qu'est, d'après moi, leur politique depuis près d'un siècle."