RUSSIE

Le Kremlin tape sur ses propres supporters

L'opposition a organisé, samedi à Moscou, une énième manifestation contre le gouvernement. Rien de très original jusque-là. Sauf que cette fois, la police n'est pas intervenue à coups de matraque pour les disperser. Bien au contraire...

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Un militant de "Jeune Russie" (un groupe pro-Kremlin). Photo: Anton Belickiy.

L'opposition a organisé, samedi à Moscou, une énième manifestation contre le gouvernement. Rien de très original jusque-là. Sauf que cette fois, la police n'est pas intervenue à coups de matraque pour les disperser. Bien au contraire...

La manifestation était organisée par "Solidarnost" (Solidarité), un mouvement qui chapeaute plusieurs groupes d'opposition. Le scénario est habituel : quelques dizaines de manifestants se regroupent dans un endroit public, ils sortent leurs banderoles et se font interpeller quelques minutes plus tard devant les caméras. Cette fois, la police a surpris tout le monde... Car ce sont des militants pro-Poutine, qui venaient en découdre avec les manifestants, qui se sont fait rudoyer par les forces de l'ordre. Des images étonnantes qui font depuis le tour de la blogosphère russe, où on se demande si cette manifestation est le signe d'un tournant libéral du Kremlin, ou même d'un conflit entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev.

D'autres images de l'intervention policière

Photos par Anton Belickiy.

"Je pense pourtant qu'il ne faut pas se leurrer sur cet assouplissement"

Roman Dobrokhotov est l'un des leaders du mouvement d'opposition "My" (Nous).

Je pense que les autorités ont changé provisoirement d'attitude pour éviter d'aggraver les tensions en cette période de crise économique. Il y a deux semaines, le directeur des services de police (CIAD) a accepté de nous rencontrer. Nous avions dénoncé la manière dont le CIAD encourageait officieusement les universités à expulser les étudiants qui participent à des marches d'opposition. Ils ont promis de mener une enquête pour identifier ceux qui, parmi leurs agents, étaient à l'origine de ces instructions et les forcer ensuite à s'excuser. Nous n'avons plus entendu parler d'eux depuis, mais il y a d'autres signes que leur politique s'assouplit. Nous avons, par exemple, organisé une manifestation le jour de la Saint-Valentin. Nous avions demandé une autorisation et, pour une fois, ils nous ont répondu. Favorablement en plus.

Je pense pourtant qu'il ne faut pas se leurrer sur cet assouplissement. Nous n'avons pas reçu l'autorisation de manifester près de l'Hôtel de ville. Ils nous ont expliqué que nous risquions 'd'abîmer le monument', alors que la  municipalité y organise des événements tout le temps. Le pouvoir envoie des signes contradictoires. Fin janvier, j'ai été détenu cinq jours, avec d'autres, pour m'être rendu à la Maison Blanche russe avec des posters blancs et ma bouche barrée avec du sparadrap noir. On nous a accusés d'être 'insultants'. Des arguments que même les Biélorusses n'utilisent plus."

"Le pouvoir a réalisé qu'une interdiction pure et simple des manifestations était contre-productive"

Anna Karetnikova est une militante pacifiste.

Je ne crois pas que la manifestation de samedi [non réprimée] soit le signe d'un conflit entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev, ou entre Poutine et le maire de Moscou, Yuri Luzhkov. Pour moi, ce qui s'est passé a deux explications. La première est la pression de plus en plus grande exercée par les organisations de droits de l'Homme. Nous avons multiplié les tables rondes, les appels au dialogue, etc. En particulier depuis que les services de police (CIAD) nous a interdit de commémorer les morts de Markelov et Baburina. Mais aussi parce que d'autres groupes, comme les bolchéviques et les jeunes libéraux, utilisent les mêmes tactiques de guérilla pacifique. Lorsque leurs rassemblements sont interdits, ils organisent des manifestations de dernière minute, dans des lieux où on ne les attend pas, et ils fuient dès que la police arrive.

Ces changements tactiques entrepris par l'opposition ont poussé le pouvoir à réaliser qu'une interdiction pure et simple des manifestations était contre-productive. Les premiers à s'en être rendus compte sont les policiers de la CIAD."

Les militants pro-Kremlin tâtent pour une fois du bâton

Plusieurs manifestants pro-Kremlin tentent de perturber la manifestation. Ils se font arrêter sans ménagement par la police. Posté par "WMParovoz"

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