THAÏLANDE

État de siège à l’aéroport de Bangkok

Les opposants thaïlandais ont décidé de faire monter la pression: ils occupent l'aéroport de la capitale depuis le 25 novembre. L'occasion d'une cohabitation insolite avec les 3 000 touristes piégés sur place.

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Un militant du PAD bloque l'un des axes d'entrée vers l'aéroport avec un barrage de charriots. Postée ici.

Les opposants thaïlandais ont décidé de faire monter la pression: ils occupent l'aéroport de la capitale depuis le 25 novembre.

La crise s'aggrave à Bangkok, où l'Alliance du peuple pour la démocratie ( PAD) demande la démission immédiate du Premier ministre Somchai Wongsawat, proche de son prédécesseur Thaksin Shinawatra qui vit en exil depuis 2006, et celle de son gouvernement.

Des heurts ont éclaté entre partisans et adversaires du gouvernement, et un homme a été tué lors d'un affrontement à Chieng Ma, dans le nord du pays.

Le directeur de l'aéroport international de Suvarnabhumi, bloqué par près de 10 000 manifestants du PAD, parle de 50 millions de bahts de perte, soit 1,5 million d'euros. Sept cent vols annulés, c'est un coup dur pour une économie basée en grande partie sur le tourisme. Nos Observateurs sur place témoignent.

 

Posté sur YouTube par yokam1 le 26 novembre 2008.

Les militants du PAD envahissent l'aéroport international de Bangkok.

Les touristes bloqués gardent le sourire

Sunny est informaticien. Il est expatrié à Bangkok depuis vingt ans. Il a posté ces photos de l'aéroport sur son blog.

Des passagers se consolent avec les mains en plastique, accessoires incontournables des manifestants thaïlandais, pendant que des membres du PAD leur distribuent de la nourriture. Certains portent même le bandeau jaune Ku-Chart, signe d'allégeance au roi. On dirait que la popularité du mouvement monte en flèche à l'aéroport. "

"Il ne faudrait pas que ça dégénère en guerre des gangs"

Jean-Yves Fargeat est ingénieur informatique et vit à Bangkok.

Au début, j'avais de la sympathie pour le mouvement mais il y a des limites. Le PAD s'attaque à un lieu très stratégique pour la Thaïlande. Cela dit, ils ne pourront pas rester longtemps là-bas. L'armée, qui est normalement complaisante avec le PAD, a lancé un ultimatum aux manifestants.

Si le PAD obtient une dissolution du Parlement, je pense qu'ils s'en iront. Il ne vont pas rester une semaine comme à Gouvernement House. L'aéroport est vital pour le pays. En plus, les soutiens commencent à se déliter. Les taxis, par exemple, s'opposent clairement à ce blocage. L'aéroport est leur gagne-pain. Le PAD n'a pas réussi à provoquer un soulèvement de la population en sa faveur.

Il y a eu certaines actions violentes. Notamment depuis que le PAD a quitté ses campements dans le centre la ville. Les progouvernement en ont profité pour y faire exploser des bombes artisanales. Il s'agit d'actions individuelles. Mais il est vrai que ce sont les plus radicaux qui continuent à manifester, et ici il y a beaucoup d'armes à feu. Il ne faudrait pas que ça dégénère en guerre des gangs.

Mais ce n'est pas le chaos. C'est comme les émeutes dans les banlieues françaises, on a accès à seulement quelques images de l'étranger. Mais ici la vie n'a pas vraiment changé."

"On n'avait pas le choix, pour faire pression, il fallait s'attaquer à cet aéroport"

Sirima X est une militante de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD). Elle manifeste depuis le début de la mobilisation. Elle est actuellement dans l'aéroport de Suvarnabhumi.

On est arrivé à l'aéroport hier, et on restera le temps qu'il faudra. Cela dépendra de l'évolution de la situation. On ne demande pas la dissolution du Parlement, on veut que Thaksin Shinawatra et que le Premier ministre Somchai Wongsawat aillent en prison. Ce sont des meurtriers et des politiciens corrompus.

Certains disent que nous avons utiliser des armes à feu, mais c'est encore une manipulation du gouvernement. C'est faux, on manifeste sans violence.

On n'avait pas le choix, pour faire pression, il fallait s'attaquer à cet aéroport. En plus, pour nous, il incarne ceux qui l'ont construit. Il est corrompu, comme eux. Il faut le rendre aux Thaïlandais, c'est pour ça qu'on l'a bloqué. Un seul vol a pu décoller, c'était pour le pèlerinage musulman. Les syndicats du personnel de l'aéroport nous soutiennent.

Certains touristes sont inquiets, mais la plupart s'entendent bien avec les manifestants du PAD. On mange ensemble, on partage notre nourriture avec eux. Et puis, ils sont habitués en Europe et en France surtout."