ALGÉRIE

Ghardaïa, une ville sous la boue

Dans le quartier d'El-Ghaba, dans la pentapole de Ghardaïa.  Pendant plus d'une semaine, la ville de Ghardaïa a été le théâtre d'inondations catastrophiques suite aux crues de l'oued M'Zab. Les constructions installées sur les bordures du fleuve ont été ensevelies par les eaux boueuses. Nos observateurs sur place ont filmé l'ampleur des dégâts avec leurs téléphones portables. Lire la suite et voir la vidéo...

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Dans le quartier d'El-Ghaba, dans la pentapole de Ghardaïa.  

Pendant plus d'une semaine, la ville de Ghardaïa a été le théâtre d'inondations catastrophiques suite aux crues de l'oued M'Zab. Les constructions installées sur les bordures du fleuve ont été ensevelies par les eaux boueuses. Nos observateurs sur place ont filmé l'ampleur des dégâts avec leurs téléphones portables.

Les pluies diluviennes ont commencé à s'abattre sur la région dans la matinée du 1er octobre, le jour de l'Aïd, la fête qui marque la fin du ramadan. En quelques jours, la palmeraie de Ghardaïa et le reste de la vallée ont été envahies par les eaux boueuses.

Très peu traitée dans les médias, la catastrophe a pourtant fait 34 morts et 89 blessés selon le dernier bilan officiel. Dix milles constructions ont été emportées par les flots sur les neufs communes qui ont été déclarées sinistrées par les autorités. Si aujourd'hui les principaux accès vers la pentapole ont été rouverts, des critiques ont été adressées au gouvernement ,dénonçant la lenteur de l'acheminement de l'aide.

De leur côté, les autorités ont reconnu la difficulté de l'intervention due à la force des eaux. Et, par ailleurs, ont mis en cause l'anarchie de l'urbanisation de la ville de Ghardaïa.

Postée le 2 octobre 2008 sur YouTube par adeloul18.

Après les inondations...

A El-Ghaba, une des communes les plus touchées de Ghardaïa.

Photos par Smail Babaousmail

 

 

A Ghardaïa, la place Bab El-Haddad, habituel lieu de rencontre des jeunes

Postée le 8 octobre sur Youtube par grisou21471.

"On a construit dans la palmeraie, au même niveau que l'oued, éternellement incertain"

Faycal Ouaret est architecte à Sétif, il milite pour la protection du patrimoine de la ville de Ghardaïa et organise un rassemblement de soutien le 1er janvier 2009.

J'habite à Setif mais en ce moment mon cœur est à Ghardaïa. J'y ai organisé deux grandes rencontres internationales sur l'architecture.

Aujourd'hui, j'appelle à ce que l'urbanisation de cette ville aille dans le sens de l'Histoire. C'est-à-dire qu'à la manière de ce que faisaient les mozabites, il faut implanter les constructions modernes sur les collines pour éviter que les constructions ne se fassent trop près des bords de l'oued.

Le système traditionnel de partage des eaux de la palmeraie, le cimetière Ammi Saïd de Ghardaïa, le mausolée de Sidi Brahim, la place du Souk El-Aasr de Béni Isguen, les remparts de Bounoura, le mausolée de Sidi Brahim à El-Atteuf et toute l'entrée de cette ville ... Autant de joyaux de l'architecture mozabite qui ont été recouverts par les eaux.

Jusqu'au milieu du XXe siècle, les constructions ne se faisaient jamais en-dessous d'une certaine altitude. Puis, la ville a attiré de plus en plus de monde et avec le développement de l'urbanisme, on a construit dans la palmeraie, au même niveau que l'oued, éternellement incertain. Ce sont ces parties récentes, beaucoup de résidences de villégiatures des habitants de la pentapole de M'Zab [réunion de 5 villes] qui ont été touchées.

Comme partout dans les pays du tiers monde, les autorités ne peuvent pas faire face à de fortes demandes de logements et avec une certaine hypocrisie laissent faire les constructeurs tout en disant qu'ils contrôlent.

Le résultat aujourd'hui, selon les dernières annonces du gouvernement, c'est près de cinq milliards de dinars de pertes.

Aujourd'hui les secours, malgré beaucoup de balbutiements et de colères, s'organisent et les choses semblent aller vers une prise en charge sérieuse des effets de cette inondation."

"Comme c'était le jour de l'Aïd, les secours ont tardé"

Smail Babaousmail est originaire de Ghardaïa. Il était sur place les premiers jours et a filmé les inondations avec son portable.

Comme c'était le jour de l'Aïd, les secours ont tardé. Les autorités n'ont pas voulu faire circuler l'information tout de suite, mais, surtout, je crois qu'ils n'ont pas pris conscience de l'ampleur des dégâts assez rapidement.

Dans la ville, toutes les unités de protection civile étaient, elles aussi, immergées jusqu'au premier étage de leurs locaux, et le matériel nécessaire à leur intervention était sous l'eau. Ils n'ont pu aider qu'à la force de leurs bras.  

L'hôpital était de l'autre côté de l'oued qui sépare la ville en deux. Dans notre quartier, on est resté une journée entière avec deux morts et un blessé qu'on ne pouvait pas transporter. Tout le monde se connait ici, je connaissais chacune des personnes qui ont perdu la vie.

Mais personne ne pouvait prédire une telle catastrophe. On n'avait pas vu de telles crues depuis 1901. "