"Phoque" ou "Fuck" : sur la culture, les Canadiens ne parlent pas la même langue
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Cette vidéo, gros succès sur le Web, sonne l'alerte sur l'avenir de la culture canadienne. Une vidéo drôle et efficace qui fait de la politique sans avoir l'air d'y toucher.
Cette vidéo, gros succès sur le Web, sonne l'alerte sur l'avenir de la culture canadienne. Une vidéo drôle et efficace qui fait de la politique sans avoir l'air d'y toucher.
Le gouvernement canadien de Stephen Harper a annoncé le 8 août dernier la "coupure" [en français canadien] de deux programmes de subvention pour la promotion culturelle. Au total, une quinzaine de programmes - pour un montant de 45 millions d'euros - considérés comme désuets et mal utilisés, ont été abandonnés par le gouvernement depuis avril dernier.
Pourtant, investir dans la culture est financièrement rentable. Du moins, c'est le message de la vidéo "Culture en péril" à laquelle ont participé le chanteur Michel Rivard, le comédien Benoit Brière et l'humoriste Stéphane Rousseau. Postée sur YouTube jeudi dernier, elle a déjà été visionnée près d'un million de fois.
Ce film tacle au passage les deux "solitudes" linguistiques du Canada, en mettant en scène un dialogue absurde entre des artistes francophones et des fonctionnaires anglophones obtus chargés d'analyser leurs demandes de subventions.
Le buzz monte sur fond de campagne électorale, les élections fédérales étant prévues pour le 14 octobre. Nos observateurs canadiens réagissent à cette vidéo...
Postée sur YouTube par Cultureenperil
"Si des anglophones avaient fait ce genre de vidéo, les Québécois crieraient à la xénophobie."
Michelle Blanc est consultante en marketing Internet à Montréal, au Québec. Elle écrit le site Michelle Blanc.
Il était évident qu'en prenant ces trois artistes pour un tournage destiné au Web, l'effet viral serait hors du commun. Cependant, il existe des zones d'ombre dans cette démarche. Lors de sa mise en ligne sur YouTube, la vidéo disait clairement "Votez contre Harper et ses coupures". Le message a disparu depuis, mais on voit toujours les photos de Stephen Harper et de sa ministre de la Culture, Josée Verner, en arrière plan.
Ensuite, les producteurs et les financements de ce clip restent inconnus. Or, nous sommes en période de campagne électorale au Canada depuis deux semaines. Si les artistes ont choisi de lancer la vidéo maintenant et non pas il y a plusieurs semaines, quand il y avait des manifestations contre les coupures, c'est que le but est électoraliste.
Ce genre de vidéos devrait être comptabilisée comme un spot de campagne. Mais l'anonymat permet ici de s'insérer dans un vide juridique qui est antidémocratique. Je suis contre les coupures et pour le développement de la culture, mais, avant tout, je suis pour la démocratie. Et le malaise est d'autant plus important que la vidéo ne dit pas pour qui voter.
Par ailleurs, c'est une grossière caricature, tous les fonctionnaires ne sont pas anglophones. Je ne pense pas que rire des anglophones soit une manière intelligente d'essayer de rallier les Québécois à cette cause. Moi-même, je suis bilingue et je sais que si des anglophones avaient fait ce genre de vidéo, les Québécois crieraient à la xénophobie.
Enfin, si Harper est réélu, cette démarche risque de nuire à tous les artistes, fédéralistes comme souverainistes. "
"Les politiciens conservateurs voudraient se réserver un droit de "censure" sur les œuvres qui méritent ou non d'être subventionnées."
Laurent Soumis est journaliste à Montréal.
Ce clip a enfin mis de la couleur dans une campagne ennuyeuse à en dormir. Il a battu tous les records des clips québécois visionnés sur YouTube. Mais les trois artistes sont restés jusqu'à présent très discrets et personne n'en a reconnu la paternité.
Par cette vidéo, les trois artistes dénoncent les coupures dans les budgets, dans un contexte où les politiciens conservateurs voudraient se réserver un droit de "censure" sur les œuvres qui méritent ou non d'être subventionnées. Le gouvernement a répondu en affirmant qu'il avait augmenté les budgets. En fait, des vérifications faites par de nombreux médias indiquent que le gouvernement inclut maintenant dans le budget de la culture les dépenses du 400e anniversaire de la Ville de Québec et les dépenses liées à l'organisation des Jeux olympiques d'hiver de Vancouver en 2010. La culture a le dos large !"