THAILANDE

Sept jours de camping dans les jardins du Premier ministre

Depuis une semaine, Bangkok est le théâtre de manifestations organisées par un parti d'opposition regroupant royalistes et nationalistes. Les manifestants ont investi le siège du Premier ministre Thaïlandais, qu'ils occupent depuis sept jours, et attendent une confrontation avec la police.

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Depuis une semaine, Bangkok est le théâtre de manifestations organisées par un parti d'opposition regroupant royalistes et nationalistes. Les manifestants ont investi le siège du Premier ministre thaïlandais, qu'ils occupent depuis sept jours, et attendent une confrontation avec la police.

"Je ne m'inclinerai pas. Je ne me retirerai pas et je ne démissionnerai pas", a déclaré dimanche le Premier ministre Samak Sundaravej, lors de son intervention hebdomadaire à la télévision.

Le Parti pour une alliance démocratique (PAD), à l'origine du mouvement, demande le départ Samak Sundaravej qu'il considère comme l'homme de paille de l'ancien chef du gouvernement, Thaksin Shinawatra. Ce dernier, accusé de corruption et d'abus de pouvoir, avait été destitué en 2006 à la suite d'un coup d'État soutenu par le roi. L'opposition thaïlandaise dénonce aujourd'hui le retour de ces pratiques.

Notre observateur à Bangkok nous raconte l'ambiance dans les jardins du chef du gouvernement.

Manifestation du P.A.D, le 29 août dernier

Postée sur Youtube par palrakonline

Ce soir-là, les manifestants ont tenté d'assiéger le bureau principal de la police de Bangkok. La police a répondu par un jet de grenades lacrymogènes. Les manifestants ont très vite vidé les lieux. Selon notre observateur Jean-Yves Forgeat, il s'agirait de la dernière grosse opération en date. Les précédentes actions relativement violentes ayant principalement eu lieu le 26 août, avec l'invasion des jardins de la "Government house", de plusieurs bâtiments officiels et de la chaine de télévision NBT.

Les manifestants à la "Governement house"

Le 26 août, les manifestants pénètrent dans le jardin de la "Governement House"

Photos par Johnjan99ca

 

Le 1er septembre, devant le siège du gouvernement.

Photos par Jean-Yves Fargeat

"Comparé aux grèves bloquantes en France, ce sont des petits joueurs"

Jean-Yves Forgeat est instituteur à Bangkok. Il tient le "blog de Jean-Yves".

Mon bureau est en face de la " government house ". Donc, en ce moment, je suis au chômage technique puisque toute la rue est bloquée. J'y suis passé ce matin et je dois dire que c'est surprenant tellement c'est calme. Les premières manifestations ont commencé il y a plus d'un mois. Ils ont ramené leurs tentes et de quoi se laver. Ce n'est pas du tout improvisé. Il semble que ce soit une habitude, ici, d'investir un lieu pour protester. Mais dans ce cas précis, ils sont allés s'installer au pied du siège du gouvernement, jusque dans ses jardins. Ils ont monté leur grand barnum et ils y tiennent leur salon. Après une semaine, le sol est boueux et les jardins sont dans un état déplorable.

Les manifestants se sont barricadés, avec des barrières et parfois des barbelés. Il y a des banderoles partout. Derrière, ils ont préparé de quoi se défendre en cas d'attaque de la police ; ils ont des casques, des bâtons, des boucliers de fortune en contreplaqué.

Ils sont prêts, mais ni eux ni la police n'ont vraiment envie d'en découdre.

Les membres du PAD sentent bien que la population a beau détester Thaksin, elle ne les soutient pas dans toutes leurs actions et encore moins ici où il s'agit de renverser un gouvernement élu.

Des deux cotés, il y a une peur de se lancer dans des affrontements qui pourraient finir comme les manifestations étudiantes de 76, qui avaient fait 40 morts. Alors, ils se regardent dans le blanc des yeux.

Mais comparé aux grèves bloquantes en France, ce sont des petits joueurs. Des membres du PAD ont porté plainte contre des membres de la police pour avoir jeté trois grenades lacrymogènes ! (voir la vidéo)

Le quartier du siège du gouvernement est peu fréquenté, donc finalement ces manifestations ont peu d'impact. La vie continue dans le reste de la ville. Le vrai souci, c'est que la démocratie perd du terrain avec des actions comme celle du PAD. D'ailleurs les gens sont lassés, ils ne veulent pas avoir à choisir entre un mouvement qui mène des actions anti-démocratiques et un gouvernement corrompu.

A ce stade, le scénario catastrophe serait que des affrontements durs soient déclenchés et que l'armée doive intervenir comme en 2006. Mais le plus probable est à mon avis que la situation pourrisse et que la lassitude aboutisse à un vague compromis : on garde le même Premier ministre et on change juste son gouvernement. On est en Asie : le but, maintenant, c'est de ne pas perdre la face. "