RUSSIE

Moscou, nouvelle capitale du gratte-ciel

Il y a dix ans, Moscou ne comptait pas plus d'une douzaine de gratte-ciel. Aujourd'hui, des constructions gigantesques ont remodelé l'horizon de la capitale russe. Cette fleuraison de buildings de type occidental divise les Moscovites. Lire la suite et voir les photos...

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Il y a dix ans, Moscou ne comptait pas plus d'une douzaine de gratte-ciel. Aujourd'hui, des constructions gigantesques ont remodelé l'horizon de la capitale russe. Cette fleuraison de buildings de type occidental divise les Moscovites.

Les grands immeubles de Moscou, allégorie de la puissance soviétique, sont toujours là, mais à l'ombre des constructions récentes. Des centaines de mètres de hauteur séparent aujourd'hui ces deux modèles d'architecture esthétiquement peu compatibles. Moscou arrive en tête de la course vers les sommets lancée par les capitales européennes, avec un nouveau building de 268 mètres. Mais ce record ne sera que de courte durée car, dès 2011, c'est la "Tour de Russie" qui pourra se targuer, du haut de ses 612 mètres, d'être le deuxième plus haut bâtiment du monde. Un gratte-ciel qui n'arrivera pas seul puisque qu'un "tipi" géant devrait être planté à la même période sur les bords de la rivière Moska.

Certains Moscovites regrettent toutefois que ces immeubles ultramodernes soient construits après avoir rasé près d'un tiers de l'architecture ancienne de la ville. Même des vestiges du 17e siècle auraient été détruits pour faire place à la modernité.

"Nos services d’urgence ne seraient pas capables de gérer une catastrophe dans de tels immeubles"

Irina Korobyna est directrice du Centre moscovite d'architecture moderne.

Moscou est une ville ambitieuse. La hauteur de ses immeubles la distingue du reste de la Russie depuis que Staline y a fait construire le complexe des "Sept Sœurs" au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd'hui, les politiques et les investisseurs sont ravis de se lancer dans des grands travaux sur les bords du périphérique, dans la "cité de Moscou" ou sur les îles.

Pour autant, je ne pense pas que la ville soit prête pour ces constructions massives de buildings. Nous sommes en retard en ce qui concerne la maintenance de ces structures de nouvelle génération. La qualité de la construction laisse à désirer. Ces chantiers demandent en outre du personnel qualifié, alors que la plupart des ouvriers ici viennent d'Asie centrale ou des anciennes républiques soviétiques.

Enfin, nos services d'urgence ne seraient pas capables de gérer une catastrophe dans de tels immeubles. Moscou a connu beaucoup d'expériences technologiques hasardeuses ces dernières années. Il faudrait que l'on garde en tête que ces ambitieux projets nécessitent d'être menés selon des règles précises."

Les "entrepreneurs occidentaux se ruent sur cette société russe prétendument effroyable"

Vladimir Paperny est un designer américano-russe. Il a écrit "L'architecture sous l'ère stalinienne" et fait des recherches sur la culture post-soviétique.

A l'époque de l'Union soviétique, on pensait que notre pays était unique. Ce qui n'était déjà pas vrai à l'époque l'est encore moins maintenant que nous avons une économie capitaliste.

De nos jours, quels pays construisent les plus impressionnants gratte-ciel ? Sans être un expert, je crois pouvoir dire que ce sont les pays producteurs de pétrole. Ces pays, à l'instar de la Russie, ont énormément d'argent et ne savent pas comment le dépenser.

Les intellectuels occidentaux ont une perception ambiguë, et même plutôt négative, de la Russie. Ce qu'ils voient, c'est la censure, un manque de libertés politiques et une hyper concentration des pouvoirs. Une sorte de retour aux pratiques soviétiques. Pourtant, beaucoup d'entrepreneurs occidentaux se ruent sur cette société russe prétendument effroyable, car elle offre des opportunités.

Norman Foster, l'architecte britannique qui réalise le Tour de Russie et qui a le projet de construire la plus grande tour du monde sur l'Ile de Cristal de Moscou, est un parfait exemple de ce paradoxe.

Ceux qui investissent dans ces projets sont peut-être immoraux et l'argent n'est peut être pas toujours légalement gagné. Mais c'est une situation que l'on retrouvait déjà à l'époque de la Renaissance italienne. Cesare Borgia et les papes de Rome ont été les mécènes de Michel-Ange, mais ils étaient aussi d'horribles criminels, de vrais bandits. Aujourd'hui, c'est un détail comparé à l'héritage artistique qu'a permis leurs financements. Les Pharaons n'étaient pas mieux. De même que la civilisation mexicaine antique était une civilisation assoiffée de sang, qui pratiquait des sacrifices humains massifs mais qui a construit certains des plus beaux monuments du monde, comme les pyramides du Soleil et de la Lune près de Mexico. Tout ça est normal. Laissez les construire."

La Cité de Moscou : "une ville dans la ville"

Photo par Andrey Permitin sur Flickr.

Photo par Ilya Varlamov sur Flickr.

Photo par Ivan Zharov sur Flickr.

Voila à quoi ressemblera le quartier financier de Moscou, "la cité de Moscou", dans 4 ans. Photo du site Russian National Architecture Awards.

Les constructions soviétiques de Moscou

Les sept constructions lancées par Staline en 1950 sont aujourd'hui communément appelées les "Sept Sœurs". Cet immeuble se trouve sur la place Kudrinskaya. Photo de Dmitry Rozhkov.

Le complexe du "Triumph-Palace" a été construit en 2003 en s'inspirant de l'architecture stalinienne. Avec ses 264,1 mètres il est le plus haut building d'Europe. Photo de Nixer sur fotocomp.com.

Actuellement en construction

La Tour de Russie. Photo promotionnelle de Foster and Partners.

La tour dessinée par le britannique Norman Foster devrait atteindre 612 mètres.

L'Ile de Cristal. Photo promotionnelle de Foster and Partners.

Cette gigantesque construction en forme de tipi a aussi été dessinée par Norman Foster. Le démarrage de ce projet de 2,5 milliards d'euros aura lieu dans les cinq prochaines années.