La France sous vidéosurveillance
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A Marble Arch à Londres. Photo : sur Flickr. Graffiti de l'artiste anglais Banksy. Alors que la Grande-Bretagne dresse un bilan mitigé de sa politique de vidéosurveillance, le ministère de l'Intérieur français crée la polémique en annonçant vouloir multiplier par trois le nombre de caméras en ville sur trois ans.
A Marble Arch à Londres. Photo : "improbulus" sur Flickr. Graffiti de l'artiste anglais Banksy.
Alors que la Grande-Bretagne dresse un bilan mitigé de sa politique de vidéosurveillance, le ministère de l'Intérieur français crée la polémique en annonçant vouloir multiplier par trois le nombre de caméras en ville sur trois ans.
Le 20 mai dernier, la ministre de l'Intérieur a réuni la Commission nationale de la vidéosurveillance et réaffirmé sa volonté de "promouvoir un modèle français de la protection des citoyens". Alors que Michèle Alliot-Marie annonce vouloir tripler le nombre de caméras de surveillance, en portant leur nombre de 20 000 à 60 000 d'ici fin 2010, des voix s'élèvent contre une réforme "inutile" au coût "phénoménal ".
"La vidéosurveillance est un instrument d’exclusion"
David Murakami Wood est un chercheur anglais spécialisé dans la relation entre technologie de surveillance et société.
L'avantage majeur de ce système est qu'il permet de mettre les délinquants devant le fait accompli. Une fois face aux images, ils cessent de nier et la justice gagne du temps.
Mais de manière générale, les promesses liées à la vidéosurveillance ont été très exagérées. Un rapport policier a récemment démontré que ce procédé a très peu d'effet sur la délinquance. Non seulement la vidéosurveillance coûte très cher, mais en plus il est très difficile d'identifier les délinquants sur les images. Une présence policière accrue est bien plus efficace. Le crime est avant tout un problème social et ce n'est pas le technologie qui va le résoudre. Par contre, c'est un procédé populaire car visible. Il donne l'impression aux gens que la police prend des mesures. La vidéosurveillance affaiblit le lien social et crée un sentiment de méfiance au sein de la société. S'ils sont témoins d'une agression, les gens auront moins tendance à intervenir car ils ont le sentiment que ce n'est plus leur responsabilité.
Le bilan demeure très négatif. Ce système entraîne une privatisation de la sécurité très inquiétante. Pour le faire fonctionner, il faut des experts et des techniciens, du coup l'Etat a recours à des compagnies privées qui ont leurs propres systèmes de formation et de recrutement. Elles sont peu contrôlées et recrutent parfois d'anciens criminels.
Enfin, la vidéosurveillance est un instrument d'exclusion qui accentue la discrimination. La tenue vestimentaire ou la couleur de peau suffisent à faire d'une personne un criminel potentiel."
"Un outil efficace et important"
Gérard Gachet est le porte-parole du ministère de l'Intérieur
Les caméras de vidéosurveillance que nous souhaitons installer ont trois missions : faciliter la circulation et réduire les délits routiers, maintenir l'ordre public, notamment lors de grandes manifestations, et sécuriser des endroits jugés peu sûrs (certains parkings en plein air par exemple).
Au ministère de l'Intérieur, nous sommes très satisfaits des résultats. La vidéosurveillance a permis d'identifier des criminels et d'élucider de nombreuses affaires. Il est vrai qu'en Angleterre, le bilan est mitigé, mais c'est parce qu'au départ la vidéosurveillance n'avait qu'un rôle dissuasif. Les caméras étaient là pour faire peur et on ne pouvait pas vraiment utiliser les images car elles étaient de mauvaise qualité. Aujourd'hui, la police anglaise souhaite créer un système de fichiers d'images permanents (en France, la loi interdit de conserver les images plus de 30 jours).
Nous, nous n'avons jamais considéré la vidéosurveillance comme un système uniquement dissuasif, même si ça peut l'être. Ce qui nous intéresse c'est qu'elle permet d‘identifier le visage ou même les vêtements des agresseurs. Certes, il faut des politiques de prévention et d'accompagnement, mais ça ne fera jamais totalement disparaître la criminalité et la délinquance. La vidéosurveillance est un outil efficace et important."