Référendum sur l'UE en Irlande : "On a pris tout ce qu’on pouvait prendre, maintenant on s’en va"

Images: William Murphy sur Flickr

Un "non" des Irlandais au référendum sur le traité de Lisbonne, et le texte serait définitivement enterré. D'après les derniers sondages ce pays, traditionnellement pro-européen, semble avoir retourné sa veste... Pourquoi ce rejet de l'Union ? Nos Observateurs irlandais s'expliquent.

Ratifié en décembre dernier, le traité de Lisbonne amende la proposition de Constitution de l'Union européenne rejetée par référendum en France et aux Pays-Bas, il y a trois ans. Mais contrairement à 2005, la plupart des pays européens ont choisi de soumettre l'approbation du texte à leur parlement. Cette procédure étant constitutionnellement impossible en Irlande, c'est par référendum que les Irlandais se prononcent aujourd'hui.

"Par précaution, je préfère voter non"

Gerry Ó Cuinn habite Waterford.

Je reste pour l'instant indécis. J'ai d'abord pensé voter "oui", mais j'avoue avoir été influencé par les débats à la radio. Certains disent que le gouvernement va trop vite et je suis d'accord. Ils n'ont même pas lu ce traité ! Et ceux qui l'ont fait disent de toute façon que c'est du charabia.

Notre principal problème est que nous pourrions avoir à augmenter notre impôt sur les sociétés, qui est actuellement de 12,5 % [contre 28 % en Grande-Bretagne et 34 en France]. C'est ce taux qui nous a permis d'attirer énormément d'entreprises américaines. Cela compense notre situation géographique - nous sommes sur une île ! - qui peut-être considérée comme un inconvénient. Pour l'instant et par précaution, je préfère voter non."

"C’est une décision qui relève de notre parlement"

Je ne pense pas que les citoyens devraient se prononcer là-dessus par référendum. C'est un texte qui porte sur des questions de procédures et de réglementation, il relève donc de notre parlement.

Le Sinn Fein est le seul grand parti à s'être prononcé contre le traité. Les autres militants du non sont de minuscules groupuscules politiques, comme par exemple les mouvements chrétiens, qui tirent avantage de leur droit à une égale représentation dans les médias en période de campagne. Ils jouent sur les peurs des gens.

Les Irlandais sont dans la logique : "On a pris tout ce qu'on pouvait prendre, maintenant on s'en va". Le pays s'est beaucoup amélioré au niveau de droits de l'Homme et nos dépenses publiques sont saines. Cette constitution ne changera rien. Il faudra ratifier ce texte. J'aimerais que l'Irlande garde son commissaire permanent à Bruxelles, mais c'est impossible. Dans une Europe qui ne cesse de s'agrandir, on doit s'adapter et passer à un système de roulement dans la prise de décision."

"Je ne tiens pas à une Europe supranationale"

Dès que j'ai entendu parler du traité, j'ai décidé que je voterai non. Et jusqu'à présent, les partis n'ont pas réussi à expliquer clairement pourquoi on devrait voter "oui". Le seul argument c'est "Votez oui, parce c'est bon pour l'Irlande et bon pour l'Europe" ! Ils essaient de nous effrayer, brandissant la menace d'une soi-disant perte de notre rang. Tout le monde nous mépriserait, on perdrait des emplois et des investissements, etc. Mais tout ça est complètement faux.

Sans être contre l'Europe, je ne vois aucun intérêt à aller plus loin dans l'intégration. Je ne tiens pas à une Europe supranationale. Puisque le traité consacre la supériorité du droit communautaire sur la constitution irlandaise, les décisions qui concernent directement les Irlandais seront rendues par des bureaucrates anonymes de Strasbourg ou de Bruxelles. Rien que ça, c'est inquiétant. Notre constitution a pourtant une raison d'être, elle sert à nous protéger.

C'est typiquement irlandais de se mettre à genoux comme ça. Mais on ne doit pas notre succès récent uniquement à l'Europe. C'est nous qui nous levons tous les matins pour changer les choses. Je ne vois pas un argument valable pour le traité, mais il y a par contre plusieurs bons arguments contre. Alors, je l'affirme, je voterai non."