Que savent les Chinois de Tiananmen?
Une recherche sur "Tiananmen" dans Google : à gauche aux Etats-Unis, les chars. A droite, un diaporama touristique de la place chinoise. Les Chinois de l'étranger commémoraient hier l'anniversaire des massacres de la place Tiananmen. L'un de nos Observateurs pour la Chine nous rappelle que, si l'événement a marqué les consciences dans le monde entier, ses compatriotes savent très peu de choses sur ce mouvement étudiant, car les autorités l'ont quasiment effacé du Web.
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Une recherche sur "Tiananmen" dans Google : à gauche aux Etats-Unis, les chars. A droite, un diaporama touristique de la place chinoise.
Les Chinois de l'étranger commémoraient hier l'anniversaire des massacres de la place Tiananmen. L'un de nos Observateurs pour la Chine nous rappelle que si l'événement a marqué les consciences dans le monde entier, ses compatriotes savent très peu de choses sur ce mouvement étudiant, car les autorités l'ont quasiment effacé du Web.
Commémoration de Tiananmen à Hong Kong

Hier, la commémoration des événements de Tiananmen a rassemblé 48 000 personnes à Hong Kong (selon les organisateurs).
Censure sur les moteurs de recherche

Une recherche sur "massacres de Tiananmen" dans le plus grand moteur de recherche chinois, Baidu.com, ne donne aucun résultat. Le message qui s'affiche : "Les résultats de recherche pointant vers des contenus illégaux ne sont pas affichés".
"La société à cette époque était plus libre qu'aujourd'hui"
Wei Shi est le fondateur de Boxun.com, un site dédié aux droits de l'Homme et à la liberté d'expression en Chine. Il vit aujourd'hui aux Etats-Unis.
La plupart des gens, notamment les jeunes, n'ont aucune idée de se qui s'est passé le 4 juin 1989. Le Web, et surtout les moteurs de recherche, sont suffisamment censurés pour qu'il soit très difficile d'accéder à des informations fiables sur cet événement. Bien sûr, les internautes vraiment motivés parviennent toujours à contourner cette censure. Les filtres automatiques sont par exemple plus efficaces en chinois que dans des langues étrangères, donc en tapant dans Google Chine des mots-clefs en anglais, on obtient quelques pages Web qui abordent des massacres. Les internautes chinois ont également trouvé des astuces pour que leurs textes sensibles ne soient pas repérés par les modérateurs sur les forums de discussion. L'une de ces techniques est d'écrire un texte qui, lu de gauche à droite (comme c'est le cas d'habitude), ne veut rien dire, mais qui parle des massacres de Tiananmen lorsqu'on lit les idéogrammes de haut en bas.
Certains médias ont dit que la censure s'était relâchée lors du tremblement de terre. Et j'ai eu la même impression au début. Mais, en réalité, c'est juste que le gouvernement a été débordé par l'ampleur de l'événement. Les photos des morts et des décombres sont au départ venues des blogs et des médias en ligne non officiels. Ensuite, quand ont commencé les discussions sur la façon dont avaient été construites les écoles qui se sont effondrées, le gouvernement a très vite repris la main. Les internautes ont bien noté que près d'un tiers des 40 000 morts sont des enfants. Et certains commençaient à expliquer que les écoles se sont écroulées parce que l'argent qui devait être investi dans les matériaux de construction a en réalité abouti dans la poche de responsables locaux. Ce débat sur la corruption, qui a joué un rôle dans le drame, n'a jamais pu se développer sur Internet. Sur les forums de discussion, la plupart des messages qui en parlaient ont été supprimés.
En 1989, j'étais fonctionnaire, près de Pékin, dans un service d'inspection des travaux. Je ne pouvais pas quitter mon travail pour aller manifester, comme les étudiants. Mais je les écoutais, le soir, quand ils revenaient des manifestations. Ils nous racontaient leur journée. La société à cette époque était plus libre qu'aujourd'hui. On pouvait s'exprimer plus librement et c'est d'ailleurs pour cela que ce mouvement étudiant a pu éclore. Après 1989, ils ont serré la vis. Bien sûr, dans les villes, les gens se sont enrichis. Mais si on regarde la situation des paysans, les problèmes environnementaux auxquels le pays est confronté, la pénurie en eau qui va bientôt devenir critique, la corruption, je ne dirais pas que la Chine va mieux aujourd'hui qu'en 1989."