Américains non grata dans les orphelinats vietnamiens
Les Etats-Unis se sont inquiétés des dérives des procédures d'adoption au Vietnam, affirmant notamment que des enfants étaient arrachés à leur mère naturelle et revendus à des parents adoptifs. En réponse à ces accusations, le gouvernement vietnamien a décidé d'interdire les adoptions par des parents américains.
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Orphelinat de Go Vap au sud du Vietnam. Photo: Kerrilee Barrett.
Les Etats-Unis se sont inquiétés des dérives des procédures d'adoption au Vietnam, affirmant notamment que des enfants étaient arrachés à leur mère naturelle et revendus à des parents adoptifs. En réponse à ces accusations, le gouvernement vietnamien a décidé d'interdire les adoptions par des parents américains.
L'agence de presse Associated Press a révélé jeudi dernier qu'un document de l'ambassade américaine fait état de fraudes, d'affaires de corruption et de ventes de bébés au sein du système d'adoption vietnamien. Quelques jours après la mise à jour de ce document, les autorités vietnamiennes ont annoncé que les Américains ne pourraient plus adopter d'enfants vietnamiens, à partir de juillet. Environ 1.200 enfants vietnamiens ont été adoptés par des familles américaines durant les 18 derniers mois.
"Nous ne voulons pas que les gens pensent que nous avons acheté un bébé"
Elaine est une Américaine qui a adopté un enfant vietnamien. Elle attend la finalisation du processus d'adoption pour ramener son fils chez elle. Elle tient un blog, mais préfère rester anonyme.
Quand mon mari était au Vietnam, [un] employé de l'ambassade est venu lui parler dans l'aéroport. Il a joué avec mon fils adoptif en disant "ce petit garçon n'a pas idée de la chance qu'il a de partir maintenant. Peu d'autres enfants vont avoir la chance de partir aux Etats-Unis." Il a parlé à Matt des cas de corruption et de fraude qu'ils ont repérés dans le système d'adoption vietnamien. Il lui a expliqué les irrégularités qu'avait révélées le rapport, une semaine plus tôt. Quand nous avons eu vent de ces rumeurs, nous avons posé plus de questions à notre agence [d'adoption]. Nous avons demandé s'il n'était pas préférable de laisser l'enfant avec sa mère biologique. D'après la façon dont notre agence opère, les papiers qui nous ont été donnés et les informations concernant la mère biologique que mon mari a obtenues sur place, nous avons toutes les raisons de croire que la procédure d'adoption s'est déroulée dans les règles. Malgré tout, depuis que les journaux parlent de la corruption du système d'adoption au Vietnam, nous hésitons à dire ouvertement que notre fils vient de ce pays. Nous ne voulons pas que les gens croient que nous avons acheté un bébé."
"Les gens sont envoyés dans les villages à la recherche de femmes enceintes."
Sam travaille pour une ONG qui aide les enfants dans le besoin au Vietnam. Il préfère rester anonyme par peur de représailles du gouvernement.
La corruption est endémique au Vietnam et c'est d'autant plus flagrant dans l'industrie de l'adoption qu'elle génère beaucoup d'argent. Pour adopter, il faut payer de 10 à 15.000 dollars [6.500 € - 10.000 €]. Rien d'étonnant donc à ce que les représentants du gouvernement réclament leur part du gâteau. Les agences d'adoption au Vietnam doivent avoir une licence (une centaine d'agences en ont une) et verser une contribution mensuelle à un orphelinat. Voilà l'argent que génèrent officiellement les procédures d'adoption. Tout le reste vient de la corruption. Ce qui est sûr, c'est que très peu d'argent va aux enfants.
Les agences d'adoption passent des accords avec les hôpitaux. Elles envoient ensuite des gens dans les villages à la recherche de femmes enceintes qu'ils doivent convaincre de venir à l'hôpital pour lequel ils travaillent.
Il faut avoir fait au minimum deux ans de volontariat au Vietnam pour monter une agence d'adoption. Ensuite, la procédure pour faire reconnaître son agence peut durer très longtemps. Les candidatures qui ne bénéficient d'aucun "soutien" n'aboutissent jamais.
Ces agences d'adoption ont été autorisées à nouveau, en 2005 [elles avaient été interdites en 2003]. En un an, une centaine ont-été montées. Comment ces agences ont-elles obtenu aussi rapidement une licence ? Aucune idée. L'argent a bien dû changer de mains à un moment. Ici tout passe par les pots-de-vin. Et je ne pense pas que ça va s'arranger."