Abraham Bojorquez, rappeur anti-bling-bling
Loin des chaînes en or et des bimbos des clips américains, Abraham Bojorquez rappe, à 4000 mètres d'altitude, pour faire connaître son peuple, les indiens aymaras de Bolivie.
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Loin des chaînes en or et des bimbos des clips américains, Abraham Bojorquez rappe, à 4000 mètres d'altitude, pour faire connaître son peuple, les indiens aymaras de Bolivie.
Billet réalisé avec l'aide de notre éditeur régional pour l'Amérique latine, Johana Kunin.
Quelques photos de rappeurs aymaras
Photos : Johana Kunin
Tupak Katari
Le titre de cette vidéo est un hommage à un héros de la culture aymara qui a organisé deux soulèvements contre les Espagnols en 1781, et a fini écartelé par quatre chevaux.
Extraits
Nous sommes l´incarnation de la Pachamama [mère - terre] immortelle Plus de repos pour les traîtres ici (...) Je me rappelle encore de cette journée où ils ont tiré sur mon peuple Depuis un hélicoptère Assassinant mon frère paysan Et un mineur qui se battait pour ses droits Au lieu de résoudre le conflit Ils nous ont laissé des morts Des cœurs brisés On est ici, bien présents, immortels Des durs, des compagnons des banlieues obscures Racontant cette histoire Vous ne l´oublierez pas et elle sera marquée dans votre mémoire On dit ici que les militaires et la police doivent être respectés Mais pourquoi ont-ils tirés sur mon peuple ? Avec leurs mitraillettes Des rafales de mitraillettes pour tuer la voix du peuple, des gens qui luttent, de ceux qui travaillent. Aimer, lutter pour la liberté (...) On est des révolutionnaires comme Che Guevara... On est les enfants des Cholas [paysannes indiennes]"
"On peut être à la fois moderne et fidèle à ses origines"
Le rappeur d'El Alto, Abraham Bojorquez :
J'habite dans une ville très pauvre près de La Paz (capitale de la Bolivie), à 4100 mètres d´altitude. A El Alto, nous soutenons Evo Morales, le premier président indien de l´histoire du pays - un pays dont la majorité de la population est indienne. Nous nous sommes lancés dans le rap aymara [Indiens vivant entre la Bolivie, le Pérou et le Chili], depuis quelques années, pour dénoncer les politiques néolibérales et les discriminations dont nous sommes victimes. On mélange des rythmes ancestraux, joués avec des flûtes andines et d'autres instruments locaux, et le rap inventé par nos frères africains, il y a 35 ans, dans les quartiers marginalisés des Etats-Unis. Nous n'avons pu apprendre que l'espagnol à l´école. Et nos parents ne voulaient pas non plus nous parler en aymara, pour éviter que nous soyons discriminés par les blancs et les métis. Maintenant, on chante en espagnol et un peu en aymara, car nous essayons de réapprendre notre langue d'origine. Le nouveau contexte politique nous permet d´exprimer publiquement la fierté que nous ressentons pour notre culture et notre langue. On s´habille en mélangeant les styles américains et indiens : jeans larges, blousons d'équipes de basket américaines, poncho et uchu [bonnet andin]. On ne peut pas, et on ne veut pas, parler des mêmes choses que dans le rap commercial américain (sexe, voitures, bijoux en or ...). On parle de notre pauvreté, de notre peuple, de notre lutte contre l´impérialisme. On veut réveiller les consciences des jeunes Boliviens. La politique a été trop salie et les jeunes ont besoin qu´on en parle différemment pour qu´ils s´y intéressent. Depuis quelques années, des partis politiques, des ONG et quelques mairies font appel à nous pour des campagnes d´éducation civique. On a fait des ateliers de rap et créé des chansons pour différents collectifs : les prisonniers de la prison de La Paz, les enfants de mineurs, les cireurs de chaussures ou la communauté afro-bolivienne. On a même joué en première partie du concert de Manu Chao en Bolivie il y a quelques années. Je suis un aymara contemporain : on peut être à la fois moderne et fidèle à ses origines. Il ne faut pas se refermer sur soi, mais on ne doit pas non plus laisser mourir notre culture. J´ai découvert le rap dans les favelas du Brésil où j´avais dû émigrer, tout seul, pour travailler dans l´industrie textile. J'avais 12 ans. Je fais du rap car c'est une musique qui ne nécessite pas d'instruments. Cela revient moins cher que le rock ou la musique traditionnelle."