"Le Hamas et le Fatah viennent de faire un grand pas en avant"
Le Fatah et le Hamas avaient - officiellement - coupé tout contact depuis la prise du pouvoir du Hamas à Gaza, en juin dernier. Ils viennent pourtant de signer à Sanaa une déclaration commune de "réconciliation". Selon notre Observateur palestinien, cet accord pourrait débloquer le processus de paix.
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Le Fatah et le Hamas avaient - officiellement - coupé tout contact depuis la prise du pouvoir du Hamas à Gaza, en juin dernier. Ils viennent pourtant de signer à Sanaa une déclaration commune de "réconciliation". Selon notre Observateur palestinien, cet accord pourrait débloquer le processus de paix.
"Le Hamas et le Fatah viennent de faire un grand pas en avant"
Rafe Jabari est un Palestinien d'Hébron. Il prépare une thèse sur l'aide aux Palestiniens à l'Institut d'études politique de Paris:
Le Hamas et le Fatah étaient restés en contact depuis l'occupation de Gaza, par le biais d'intermédiaires officieux. Mais c'est la première fois qu'ils reviennent officiellement à la table des négociations. Cet accord ne fixe qu'un cadre pour des négociations ultérieures. Mais le Fatah et le Hamas semblent déjà s'entendre sur des points très importants. Tout d'abord, ils acceptent de revenir à la situation d'avant la crise de Gaza et donc de mettre en place un gouvernement d'union nationale. Ensuite, ils se sont entendus sur la libération de leurs prisonniers respectifs et sur la création de services de sécurité non partisans pour l'Autorité palestinienne [pour l'instant, ils sont contrôlés par le Fatah]. Enfin, le Fatah a accepté de ne plus parler d'un "coup d'Etat" du Hamas à Gaza, ce qui est un revirement très important.
Je pense que accord aura des conséquences pour tous les acteurs impliqués dans ce conflit palestinien. Pour le Hamas, c'est avancée claire. Ils ont démontré que l'on ne pouvait pas faire avancer de négociation sans eux. Et, s'ils abandonnent la gestion directe de Gaza, c'est pour mieux reprendre la main au niveau national. Pour le Fatah, il y a du pour et du contre. Le parti montre qu'il écoute les Palestiniens, qui étaient favorables à la résolution de cette crise. Mais c'est un coup dur pour ses dirigeants, qui avaient adopté une position intransigeante par rapport au Hamas. Cela affaiblit notamment la position du président Mahmoud Abbas, qui avait martelé que la prise de pouvoir du Hamas était un coup d'Etat. Abbas paie sa triple casquette de Président de l'Autorité palestinienne, de chef du Fatah et de responsable de l'OLP. Il est censé représenter tous les Palestiniens, mais, en même temps, il est toujours à la tête de groupes politiques partisans. Il risque de perdre le soutien du comité exécutif du Fatah. Je pense donc que si Marwan Barghouti est libéré par les Israéliens, il prendra la place d'Abbas.
Cet accord aura aussi un impact sur les acteurs étrangers impliqués dans la crise palestinienne. Israël était satisfait de cette division des Palestiniens, qui lui permettait de négocier en situation de force. Pour l'Union européenne aussi, ce sera difficile, car elle avait pris des positions très dures contre le Hamas et elle va devoir revenir en arrière. Je pense qu'en revanche les Etats-Unis sont satisfaits, car ils sont convaincus que cette alliance du Fatah et du Hamas était la seule façon de faire avancer le processus de paix. Et ils savent que, même si Israël prend officiellement une position intransigeante vis-à-vis du Hamas, l'Etat hébreux va être obligé de reprendre sérieusement les négociations. Enfin, je pense que tous les pays arabes y gagnent, car cette guerre entre les deux partis palestiniens les plaçait dans une situation inconfortable. En outre, c'est encore une puissance arabe, le Yémen, qui est à l'origine de ce progrès. La ligue arabe va donc certainement réclamer le crédit politique de cet accord.
Le Hamas et le Fatah viennent de faire un grand pas en avant. Je pense vraiment que cet accord peut débloquer la situation et relancer le processus de paix".