AMERIQUE LATINE

"Chavez a décidé d’envoyer des tanks en direct à la télé !"

Depuis l’intervention de l’armée colombienne en Equateur, pour exécuter le numéro deux des FARC, Raul Reyes, c’est la crise entre Chavez, Uribe et Correa. .

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Depuis l'intervention de l'armée colombienne en Equateur, pour exécuter le numéro deux des FARC, Raul Reyes, c'est la crise entre Chavez, Uribe et Correa.

L'intervention colombienne a déclenché l'ire de l'Equateur, bien sûr, dont l'intégrité territoriale a été violée, mais aussi du Venezuela, qui accuse le président colombien d'avoir fait échouer les négociations en cours sur la libération des otages. Ces deux pays ont mobilisé des troupes près de leurs frontières avec la Colombie et rappelé leurs ambassadeurs à Bogota. Le président colombien Alvaro Uribe a immédiatement riposté, déclarant que des documents saisis lors de l'intervention prouvent que Rafael Correa et Hugo Chavez soutenaient directement les FARC et que ce dernier leur avait même apporté un soutien financier massif.

Dossier réalisé avec l'aide de notre Observateur en Argentine, Johana Kunin.

"Cette affaire aggrave les problèmes d'approvisionnement"

De notre Observateur José Luis Restrepo, un avocat à San Cristobal, à la frontière entre le Venezuela et la Colombie :

San Cristobal est une ville de moins d'un million d´habitants située à une cinquantaine de kilomètres de la frontière colombienne. Beaucoup de ses habitants sont d´origine colombienne, comme moi-même, et beaucoup vivent du commerce avec la Colombie. Pour nous, ces derniers jours ont été très intenses. Nous sommes très inquiets quant à l´évolution de ce conflit.

Aujourd'hui, le gouvernement a annoncé la fermeture de la frontière, mais cette fermeture n'a été effective que 20 minutes. (...) Les supermarchés étaient pleins aujourd'hui. Les gens se ruaient sur les produits. Cette affaire aggrave les problèmes d'approvisionnement auxquels nous sommes déjà confrontés depuis quelques mois. On fait la queue pour l´essence et il n´y a plus assez du gaz pour nos maisons. Mais on n'a vu aucun mouvement de troupe et la police semble travailler comme d´habitude."

"Les militaires vénézuéliens ne veulent pas se battre"

Iria Puyosa est chercheuse en sciences sociales à Caracas, au Venezuela :

Ce conflit entre le Venezuela et la Colombie nous inquiète beaucoup. Les gens que je côtoie (principalement des professeurs d'université, des chercheurs et des journalistes : la plupart des opposants de gauche à Chavez), pensent que nous devrions promouvoir un mouvement pour la paix dans la région andine. (...)

On craint les conséquences d´une action militaire vénézuélienne contre la Colombie, causée par les excès d'humeur du président Chavez. Il semble que les militaires vénézuéliens ne veulent pas se battre, mais ils doivent obéir aux ordres présidentiels de mobilisation à la frontière. Nous rejetons une implication des Etats-Unis dans ce conflit. Malgré un mécontentement croissant contre le gouvernement de Chavez, les Vénézuéliens sont majoritairement contre une intervention américaine sur notre territoire ou sur les territoires colombiens ou équatoriens."

" Toi qui le peux, marche contre les FARC "

Le 3 février 2008 à Bogota. Agence BBDO.

" Chaburrin et Correin (Hugo Chavez et Rafael Correa) "

Photo de Freddy Armas

Je vous présente Chaburrín et son humble mascotte, Correin. Tout ce que Chaburrín parle, Correín le répète. En tournée bientôt en Colombie, au Venezuela et en Equateur Ne manquez pas ce spectacle!"

"Chavez a pris cette décision [d'envoyer l'armée] pendant son programme de télé "Aló Presidente" !"

Karelia Espinoza Tartaret est enseignante en sciences politiques à Barquisimeto, au Venezuela :

Qui a pris la décision de fermer l´ambassade du Venezuela en Colombie et de mobiliser nos troupes à la frontière ? L´Etat ? Non, Hugo Chavez. Et il a pris cette décision pendant son programme de télé "Aló Presidente", comme s´il était en train de choisir la couleur de la chemise qu'il allait porter ce jour-là. Il a pris cette décision à la légère, alors qu'elle peut mettre en danger la démocratie dans notre pays et sur tout le continent.

Selon notre Constitution, seul l´Etat peut décider de mobiliser l'armée. Et quand on parle de l´Etat, on ne parle pas que d´une seule personne, on parle de l´institution, qui doit respecter des lois. Comment est-il possible qu´une seule personne (...) ait pu décider, sans consulter personne, d'attaquer un pays frère ? (...)

Notre président s'estime légitime parce qu'il a gagné des élections, mais il oublie qu´Uribe a été élu aussi et qu'il est très populaire en Colombie. La majorité de nos frères colombiens refusent la guérilla. Uribe n´a pas promis des maisons, des hôpitaux ni des conneries populistes. Uribe a promis la « sécurité démocratique » et cela implique de mener une guerre contre les FARC. (...)"

Jaime Restrepo est un journaliste colombien spécialisé dans les problèmes de défense :

Le président vénézuélien attendait un prétexte pour intensifier son siège de la Colombie et de son président. Ce prétexte est finalement arrivé.

L´opération colombienne a effectivement violé la souveraineté de l´Equateur. Mais il est clair que les FARC sont présents sur le territoire équatorien. Cette situation a été dénoncée par le gouvernement colombien, mais ses voisins n´ont rien fait pour empêcher les terroristes de se réfugier sur leur territoire. La négligence de l'Equateur a incité le gouvernement colombien à la méfiance. Au point de pousser Uribe à prendre une décision difficile mais nécessaire : lancer une opération militaire sans impliquer le gouvernent équatorien, en assumant les risques et les conséquences de sa décision.

Depuis la mort du terroriste Raul Reyes, qui a été déjà condamné 20 fois par la justice et contre lequel 120 procès étaient en cours (pour terrorisme, assassinat et même pédérastie), le Venezuela et l´Equateur essaient de minimiser leurs relations avec les FARC, pourtant décrites dans les documents retrouvés sur les ordinateurs saisis lors de l'attaque du camp de Reyes. (...)"

"Messieurs les gringos, que faites-vous du droit de l´Equateur à défendre son territoire ?"

Alfredo Vera est écrivain. Il vit à Quito, en Equateur :

Uribe est comme ce personnage de Luis Buñuel qui utilise un masque d´ange, alors qu'en réalité c'est un bourreau. Un bourreau pour ceux qui croient en une paix négociée et qui ne veulent pas d'un bain de sang, à l'instar de ce qu'a fait Bush en Irak.

Les Etats-Unis proclament leur soutien à la Colombie, expliquant que ce pays a agi en « légitime défense ». En envahissant l'Equateur ? Messieurs les gringos, que faites-vous du droit de l´Equateur à défendre son territoire ?

Bush et Uribe, avec leur Plan Colombie, ont poussé à l´internationalisation du conflit. (...)

Reyes et ses compagnons ne combattaient pas, ils dormaient et n´étaient même pas habillés lorsqu'ils ont été assassinés. (...)

On dit que des informations récupérées sur les ordinateurs des guérilleros abattus prouvent les liens de l'Equateur avec les FARC. Ca doit y être des ordinateurs blindés, car ce sont les seules choses qui n´ont pas été endommagées pendant l´attaque.

Reyes a été assassiné alors qu'il négociait un accord humanitaire portant sur un échange d'otages. Il avait déjà aidé à la libération de six otages. (...)

Monsieur Uribe : n´écoutez pas Hugo Chavez, que vous pensez être votre ennemi. N'écoutez pas les autres présidents d'Amérique ou les medias, ne m'écoutez pas non plus. Mais écoutez les voix des otages récemment libérés. Ne laissez pas votre orgueil vous conduire à la limite de la stupidité humaine pendant Madame Betancourt agonise."