Election russe : résultat attendu, fraudes originales

Selon des blogueurs russes, les fraudes ont été encore plus massives que lors des élections parlementaires de décembre. Ils racontent que certains bureaux de votes ont sorti les morts de leurs tombes et que d'autres n'ont pas hésité à simuler des alertes à la bombe pour dissimuler leur forfait. Pourquoi recourir à ce type de fraudes, parfois évidentes, alors qu'aucun opposant de poids n'était en lice et que Medvedev était assuré de remporter l'élection ? L'un des blogueurs russes que nous avons contacté donne trois explications à ces fraudes « inutiles ». D'abord, le Kremlin veut montrer à quel point le peuple soutient son action. Ensuite, ce sont souvent les autorités locales qui organisent ces fraudes, pour montrer qu'elles sont fidèles à Vladimir Poutine et à son dauphin. Enfin, depuis son unification, au XVe siècle, la Russie n'a connu que huit ans de démocratie, un concept qui est donc encore loin d'avoir imprégné les institutions...

"Si tu participes pas à cette farce, tu te fais arrêter"

La blogueuse Larisa Verchinova a photographié la police en train d’arrêter des manifestants. Motif de l’interpellation : ils portaient des sacs plastiques arborant le slogan "Je ne participe pas à la farce du 2 mars 2008".

Les manifestants brandissant leurs sacs plastiques ce samdi près de la place rouge de Moscou.

Mais ils ont rapidement été embarqués par la police.

Ils les ont traînés en bas de l'escalier, puis ils les ont emporté dans un camion de police. J'ai réussi à prendre quelques photos, jusqu'à ce qu'un policier en civil s'approche de moi et m'ordonne d'arrêter. J'ai réussi à lui échapper et j'ai couru". 

Le billet original, posté le 2 mars 2008

Un homme, cinq votes

Ilya Yashin, leader d'un mouvement de jeunes affiliés au parti libéral « Yabloko », raconte à quel point il est facile d'enfreindre la loi électorale, qui oblige normalement les électeurs à voter dans la circonscription correspondant à leur adresse permanente.

Dmitri Volov a raconté au comité électoral la même histoire : il venait de Mourmansk, il n'avait pas eu le temps de s'organiser pour un vote par procuration, mais il voulait vraiment accomplir son devoir civique.

Sur les sept responsables de comités électoraux locaux [bureaux de vote], seulement deux ont refusé de le laisser voter. Quatre étaient ravis de le faire voter, expliquant que le taux de participation était faible. Le dernier a exprimé son étonnement, lui expliquant que, de toute façon, son vote était « inutile » car « tout a déjà été décidé ». Mais il l'a laissé voter tout de même.

En trois heures, donc, Dmitri Volov a pu voter cinq fois."

Le billet original, posté le 2 mars 2008

"J’ai vu sur la liste le nom de mon grand père mort"

J'ai donné mon nom à la femme qui tenait le registre. Elle m'a trouvé sur la liste. Mais pendant qu'elle vérifiait mon passeport, j'ai remarqué que les noms de tous les membres de ma famille y étaient aussi : mon père, mon frère et ma mère. Il était mentionné qu'ils avaient déjà voté tous les trois. Pourtant, je sais que ce n'est pas vrai. Je suis la seule de ma famille à avoir voté ce jour là."

Sous son billet, un internaute lui répond :

Il m'est arrivé la même chose. J'ai vu sur la liste électorale le nom de mon grand père, qui est mort en septembre l'année dernière."

Le billet original, posté le 2 Mars 2008

"Ils ont annoncé (…) une attaque terroriste"

Roman était accrédité pour suivre, en tant qu'observateur, l'élection municipale qui se déroulait le même jour, et dans les même bureaux de vote que la présidentielle. Il a repéré une tentative de fraude au bureau 1513 de Moscou.

J'ai déjà été observateur pour plusieurs autres élections et je peux dire que ça empire. Je pensais avoir tout vu, mais ce que j'ai vu aujourd'hui [ce dimanche] me laisse abasourdi.

Avant que le bureau de vote n'ouvre, nous avons découvert des liasses de bulletins pré-remplis, avec le nom de Medvedev, dans deux urnes (une centaine de bulletins dans chaque). J'ai appelé mon candidat et la police. La première urne était scellée. Mais le comité électoral a décidé que la deuxième, ouverte, pouvait être utilisée en attendant de savoir quoi faire avec les bulletins pré-remplis.

Dans l'après-midi, le comité électoral a enfin trouvé comment se débarrasser de ces bulletins. Ils ont annoncé que l'école où se déroulait le vote était la cible d'une attaque terroriste. La police est intervenue et a évacué tout le monde, expliquant qu'il y avait des bombes sur le site. Les responsables du bureau de vote ont donc pris une pause « d'urgence » et ont quitté la salle. Tous, sauf la présidente du comité électoral, qui est restée "au péril de sa vie". Quelques inconnus sont également restés pour la soutenir.

Bien sûr, aucune bombe n'a été trouvée. Mais lorsque nous avons ouvert l'urne, les bulletins frauduleux avaient disparu... A la place, il y avait des bulletins vierges. "

Billet original posté le 3 mars 2008