Émission spéciale - "Contrebande en Iran : le salaire de la peur"

Sur les réseaux sociaux, les contrebandiers iraniens mettent en scène leurs exploits.
Sur les réseaux sociaux, les contrebandiers iraniens mettent en scène leurs exploits. © Observateurs

Ils transportent des produits de contrebande dans des voitures qui roulent à plus de 200 km/h, traversent les montagnes kurdes avec des lave-vaisselles et des téléviseurs sur leur dos ou risquent leur vie pour acheminer du diesel à travers le désert : ces hommes sont les contrebandiers de l’Iran d’aujourd’hui. Dans cette émission spéciale "Contrebande en Iran : le salaire de la peur", plusieurs d’entre eux ont accepté de témoigner.

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En Iran, le secteur informel représente près de 36,5 % de l’économie. Une grande partie des biens de consommation qu’achètent les Iraniens sont donc issus… de la contrebande.

Cela ne concerne pas uniquement les produits interdits par la République islamique, comme l’alcool. Les produits électroniques, les appareils ménagers, les cigarettes, les pièces détachées pour voitures, les vêtements ou encore les compléments alimentaires sont également acheminés illégalement.

À travers le pays, des réseaux de contrebandiers se sont alors développés - avec pour chacun une zone géographique, une méthode, et des produits spécifiques.

Il y a d’abord les "shootis". À bord de voitures aux moteurs débridés et aux suspensions renforcées pour porter de lourdes charges, ils traversent le pays à toute vitesse pour livrer des biens de consommation de ville en ville. Sur Instagram, ils vantent leurs exploits dans des vidéos : certains filment le compteur de leur voiture atteindre les 200 km/h, d’autres révèlent leur technique pour distancier la police avec des machines à fumée ou des clous lancés sur la route.

"Ces gadgets marchent bien lors des contrôles ordinaires de police", explique un contrebandier à la rédaction des Observateurs de France 24. Mais si la police a organisé une opération de grande envergure, alors les gadgets ne seront d'aucune utilité. Quand les policiers utilisent plusieurs voitures, des hélicoptères, c’est impossible de s’en tirer".

Les témoignages de "koulbars" et de "soukhtbars"

Les "shootis" dissimulent leur identité en ligne et parlent rarement aux journalistes. L'équipe des Observateurs de France 24 est en contact avec trois d’entre eux depuis 2019. Dans cette émission, ils s’expriment, anonymement, sur leur mode de vie extrêmement risqué. 

L'équipe des Observateurs a également pu interroger deux autres contrebandiers parmi les "koulbars" et les "soukhtbars". Les premiers sont des Kurdes qui traversent la montagne depuis le Kurdistan irakien voisin avec des charges allant jusqu'à 70 kilos sur leur dos. Les seconds transportent du diesel à travers le désert, jusqu'au Pakistan.

Originaires de régions rurales, pauvres, dévastées par la sécheresse et souvent négligées par le gouvernement de Téhéran, les "koulbars" et les "soukhtbars" n’ont souvent pas d’autres options que la contrebande pour subvenir aux besoins de leurs familles. "Nous sommes payés environ 500 000 toman [15 €] par voyage", témoigne l’un d’entre eux. "J'ai gagné 32 millions de toman [1000 €] l'année dernière. Ce n'est pas beaucoup quand on a une famille de quatre personnes."