L’espoir, puis l’impasse : des migrants racontent depuis la frontière biélorusse
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Dépouillés par les passeurs, refoulés par les gardes-frontière polonais, malmenés par les autorités biélorusses : dans une émission spéciale, trois Observateurs de France 24 qui ont tenté d’entrer en Pologne via la Biélorussie ces dernières semaines racontent la réalité de la crise migratoire à la frontière. Leurs voix et leurs images donnent un éclairage saisissant sur la manipulation dont ils ont fait l’objet.
Ils sont venus d'Irak, de Syrie, de pays d'Afrique subsaharienne, bien souvent convaincus par les rumeurs qui disaient que la frontière entre la Biélorussie et la Pologne ou la Lituanie était "ouverte" et qu'ils pourraient réaliser leur rêve européen. Mais leur récit contrecarre sèchement ce qu’on leur avait promis.
Quand il a appris que la Biélorussie octroyait des visas aux Irakiens, Mostafa Mohsin n’a pas hésité. Lui qui rêvait depuis des années de quitter son pays, miné par la violence, le chômage et la corruption, a saisi l’occasion, et aussi celle d’alimenter son CV d’aspirant journaliste, en filmant tout son voyage, de ses adieux déchirants à sa mère, son escale Dubaï, son passage à Minsk où tout lui a été facilité, jusqu’à l’achat de matériel pour couper les barbelés de la frontière polonaise, jusqu’à… son arrivée en Allemagne.
Si Mostafa a réussi, et attend d’obtenir éventuellement un statut de réfugié, nos autres Observateurs sont restés du côté biélorusse de la frontière. "Sirwan", un Kurde, a participé le 8 novembre au regroupement massif de migrants qui avaient tenté un mouvement collectif pour entrer en Pologne. Comme la plupart d’entre eux, il a échoué et a dû s’installer dans le campement improvisé devant les barbelés, dans le froid hivernal des forêts d’Europe centrale.
"Sauver une vie" plutôt que de continuer dans le froid
Le froid, c’est ce qui a fini par faire renoncer notre troisième Observateur, "Jimmy", issu d’un pays d’Afrique centrale. Venu avec sa femme et ses deux enfants, il explique par le détail comment les gardes-frontière biélorusses escortent et aiguillent les migrants pour optimiser leurs chances d’entrer en Pologne.
Malheureusement pour Jimmy, après avoir passé trois nuits d’affilée la frontière, et avoir été repris autant de fois par les autorités polonaises, il a fallu abandonner son rêve : il fallait"sauver une vie", celle de sa fille, fiévreuse, malade, à force de vivre dans le froid. Il a rebroussé chemin… mais a dû payer un lourd pot-de-vin aux autorités biélorusses. Un éléments parmi d’autres dans le récit de nos Observateurs qui démontre comment des milliers d’hommes et de femmes se sont retrouvés pris au piège d’un affrontement géopolitique, dont ils sont évidemment les premières victimes.